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LA COUR DES COMPTES.

les deniers ont été versés dans les caisses publiques étaient-ils en effet débiteurs du trésor ? Oui, si on représente un acte légitime et régulier, en vertu duquel l’impôt a été perçu.

« Le comptable a dépensé pour payer les dettes du trésor ; comment a-t-il dépensé ? A-t-il obéi aux mandats de l’administrateur qualifié pour disposer des deniers publics ? A-t-il appliqué au service payé les crédits de l’exercice auquel ce service appartient, et, parmi les crédits de cet exercice, celui qui lui est spécialement affecté ? L’administrateur a-t-il eu raison légale d’ordonner le paiement que le comptable a effectué ? Est-ce bien une dette de l’état qu’il fallait éteindre, une dette légitime, une dette régulière, une dette exigible ? Le paiement a-t-il été fait avec sûreté ? La cour des comptes pose et résout toutes ces questions à l’occasion de chacun des faits de recette ou de dépense qui sont décrits dans les comptes dont la vérification lui est confiée, et c’est ainsi qu’elle est apelée, non à juger, mais à apprécier chacun des actes des administrateurs eux-mêmes. Et si l’on se représente que ces faits occasionnent un mouvement annuel de plus de cinq milliards, on concevra à peine ce qu’il faut de travail opiniâtre pour vérifier les millions de pièces qui les justifient, ce qu’il faut d’attention soutenue pour généraliser les résultats de cette vérification. »

Cependant les moyens de contrôle donnés à la cour des comptes ne suffisaient pas. Investie de la confiance des chambres, chargée de présenter tous les ans l’état de ses travaux pour éclairer la législature, elle était encore gênée dans l’accomplissement de sa mission. Elle jugeait tous les comptables du royaume, elle était saisie de tous leurs actes ; mais une partie des opérations centrales du trésor lui échappait. On sait que le mouvement général des fonds de l’état donne lieu nécessairement à des recettes et à des dépenses fictives, résultant de diverses opérations d’ordre qui, en réalité, ne représentent aucune entrée ni aucune sortie matérielle de fonds. Sur ce point, il en est de la comptabilité du trésor comme de toutes les comptabilités des maisons de banque et de commerce. Ces opérations d’ordre, exécutées par de simples viremens d’écritures, sans maniement de fonds et sans l’entremise des comptables, n’étaient pas livrées à la connaissance de la cour ; et c’était une lacune grave, car la cour, privée de toute lumière sur ce point, ne pouvait arriver à un contrôle complet, qui fût, aux yeux des chambres et du public, l’expression entière de sa pensée sur tous les actes financiers de l’administration. L’ordonnance du 29 juillet 1826 combla cette lacune. Elle prescrivit