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tout entière. Cette œuvre d’un gouvernement libre eut pour base la cour des comptes, dont l’institution, confirmée par la loi en 1815, fut développée par une suite de mesures et de circonstances que nous allons expliquer rapidement.

Un des premiers effets du gouvernement représentatif fut que les chambres voulurent tout voir dans le maniement des finances, et que l’administration, devenue responsable, voulut tout ordonner de manière à ne craindre le contrôle sur rien. Aussi, le vote du budget, le règlement des comptes des ministres, l’assiette et la perception des revenus, la liquidation, l’ordonnancement et le paiement des dépenses, l’ensemble des opérations du trésor, la création d’une comptabilité efficace, c’est-à-dire d’un système d’écritures portant la lumière sur tous les faits de recette et de dépense accomplis par l’administration, tous ces points reçurent une solution prompte, soit par les discussions des chambres, soit par les règlemens de M. Louis, de M. de Corvetto, de M. Roy et de M. de Villèle. L’administration financière eut dès-lors une régularité et une promptitude qu’on n’avait jamais vues ; et la clarté de ses opérations fut telle que pour la première fois, en France, le trésor connut d’une manière exacte, et jour pour jour, sa situation. Sûre d’elle-même, l’administration pouvait donc se livrer sans crainte au contrôle des chambres qui, par le règlement annuel des comptes ministériels, s’étaient réservé le jugement politique de tous les actes financiers. Mais les chambres comprirent aussitôt que ce contrôle ne pouvait s’exercer utilement par elles. Comment pouvaient-elles en effet, sans pièces justificatives, vérifier l’immense détail des actes qui leur étaient soumis, découvrir que des recettes ou des dépenses avaient été omises dans les comptes, que telle partie des impôts n’avait pas reçu sa destination réelle, que telles dépenses avaient été faites sans crédit, et que les crédits alloués pour d’autres dépenses avaient été adroitement dépassés ? Les chambres, par mille raisons, ne pouvaient se livrer à de semblables recherches. Il parut donc indispensable d’en charger la cour des comptes, et d’invoquer sur ces matières son témoignage public. Aussi la loi du 27 juin 1819 établit qu’à l’avenir l’état des travaux de ce corps judiciaire serait joint au compte annuel des finances. Cette décision importante créa un nouvel ordre de choses. Dès-lors la cour des comptes fut en quelque sorte associée à la législature. Ses travaux durent être la base du règlement des budgets. Un ministre, aujourd’hui pair de France, grand partisan de l’institution, dit alors pour annoncer l’influence qu’elle allait