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parent. À ces calamités il faut ajouter les superstitions religieuses et l’influence qu’exercent leurs sorciers et leurs devins sur l’esprit de ces infortunés ; on les voit souvent ou se suicider, ou succomber à ces pratiques secrètes et infernales exigées par les affreux mystères de leur obeah.

Le plus redoutable fléau pour les Africains, c’est le choléra. On ne saurait imaginer les ravages que ce mal a exercés dans nos campagnes. Dans certaines habitations, il a enlevé les deux tiers des esclaves en huit jours, tandis que des infirmiers blancs et leurs maîtres, ne quittant pas les hôpitaux, donnaient des soins assidus aux nègres attaqués de la maladie, sans en être eux-mêmes atteints.

Ces élémens de destruction concourent à rendre la mortalité des nègres plus considérable que celle des blancs. Le colon jouit pendant la traversée de soins assidus et d’une nourriture saine ; une fois débarqué, il prend toute sorte de précautions pour s’accoutumer au climat, il ne travaille que modérément et à ses heures. On a cherché à répandre dans l’esprit des Européens des craintes exagérées sur les dangers de la fièvre jaune ; c’est à tort. Cette maladie est maintenant tellement connue, que, si on ne la néglige point à son origine, elle n’est pas plus à craindre qu’une courbature ou un refroidissement. Tout créole sait la guérir ; d’ailleurs, elle ne règne que pendant les mois de la canicule. La plupart des étrangers qui abordent dans l’île à cette époque de l’année n’en sont pas atteints, et ceux qui le sont succombent rarement, surtout s’ils veulent se soumettre à un sage régime hygiénique, et s’éloigner des côtes pendant les premiers mois de leur séjour dans l’île ; le danger n’est réellement à redouter que dans l’étroit rayon de deux ou trois lieues sur le bord de la mer. De fréquens exemples viennent à l’appui de cette observation. Un séjour à Guana-Bacoa, petite ville située à une demi-lieue du côté opposé à la baie de la Havane, suffit même pour éviter la maladie : circonstance d’autant plus importante, que, les sucreries étant pour la plupart éloignées de la mer, les colons qui se destinent aux travaux agricoles se trouvent en toute sûreté. Les preuves de la bonté de notre climat et de son influence salutaire sur les étrangers sont nombreuses. Les îles Canaries ne nous envoient-elles pas des cargaisons d’hommes accablés par la fatigue, après de longues traversées, et souvent à l’époque des plus fortes chaleurs ? Eh bien ! le nombre de ceux qui succombent est infiniment plus faible que celui des Africains ; pourtant, les uns et les autres sont non-seulement soumis aux rigueurs du climat, mais aussi aux travaux agricoles. Indépendam-