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comme elle eût parlé quelques années plus tard. Le règne de François II n’avait pas été pour elle une époque de puissance. L’ascendant appartint alors tout entier aux Guises, oncles de Marie Stuart. Catherine de Médicis n’avait encore fait bouquer personne. Il y a donc dans toute cette histoire un double anachronisme et une double impossibilité.

Je suis entré dans quelques détail sur cette portion de la vie d’Amyot, parce qu’elle a été, comme on voit, falsifiée ou plutôt inventée avec une étrange audace et répétée avec une extrême crédulité par plusieurs biographes. Malgré les décisives objections de Bayle, on en trouve quelque chose jusque dans un article de la Biographie universelle écrit par M. Auget en 1811, et celui que j’écris n’empêchera probablement pas qu’on répète les mêmes erreurs dans quelque biographie future.

Le reste de la vie d’Amyot ne nous arrêtera pas. Ce fut un enchaînement d’honneurs et de prospérités que troublèrent, seulement vers la fin, les fureurs de la ligue, auxquelles les bienfaits d’Henri III devaient naturellement l’exposer. Il avait été nommé recteur de l’Université en même temps que grand-aumônier. Henri III le fit commandeur de cet ordre du Saint-Esprit qu’il avait créé et qui devait être le plus brillant des ordres français. Élevé à l’évêché d’Auxerre en 1561, le fils du pauvre bourgeois de Melun mourut en 1593, riche de 200,000 écus. C’est une des plus hautes et des plus éclatantes fortunes que présentent les annales des lettres, et une preuve de la considération dont elles jouissaient au XVIe siècle. La destinée d’Amyot fait époque dans leur histoire. C’est la première fois que, par l’étude, par la science, en traduisant du grec, on arrive en France aux plus éminentes distinctions et à une immense fortune.

Amyot n’a pas été moins heureux après sa mort que pendant sa vie. La faveur de la postérité succéda à celle des rois. Il a été adopté par elle. Son nom a été populaire ; on ne s’est pas contenté de rendre justice à la naïveté de son langage, qualité qu’il partage avec tous les écrivains de son temps, à la clarté et à la fluidité de son style, qui le distinguent avantageusement de plusieurs d’entre eux : on en a fait une sorte d’écrivain modèle. Il a été le représentant de la prose gauloise, du vieux parler de nos pères. Comme s’il était surprenant qu’un prosateur français du XVIe siècle eût des qualités remarquables, on s’est émerveillé de celles que possède Amyot, bien qu’il les possède à un moindre degré que plusieurs de ses contemporains. On a semblé oublier qu’il n’y avait rien d’extraordinaire à ce que,