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à cette époque, aurait reconnu combien le précepteur de ses enfans justifiait la prétendue recommandation de l’Hôpital. Mais Amyot parut au concile de Trente en 1551, c’est-à-dire trois ans avant l’époque où il fut mis en rapport avec Henri II et chargé de l’éducation des deux fils puînés du roi ; la mission d’Amyot lui fut donnée par le cardinal de Tournon et George de Selve, alors ambassadeur. Amyot nous l’apprend lui-même par une lettre qu’il écrivit à M. de Morvillier, maître des requêtes, et on y voit que sa mission, ou plutôt, comme il dit lui-même, sa commission, se bornait à lire la protestation du roi de France. Du reste, il n’était pas même nommé dans cette lettre et ne savait ce qu’elle contenait avant de l’ouvrir devant le concile, de sorte, dit-il, que je ne vis jamais chose si mal cousue. Pas plus mal cousue du moins que toute cette biographie mensongère qui est une insulte perpétuelle et imméritée au caractère modeste d’Amyot.

Mais cette exagération de l’importance diplomatique d’Amyot n’est rien en comparaison des inventions qui nous restent à examiner. Le récit de Saint-Réal continue en ces termes :

« Voilà l’état auquel était Amyot sous les règnes de ses disciples François II[1] et Charles IX, avantageux à la vérité si l’on se souvient de ses commencemens, mais pourtant encore indigne de son mérite, et sa fortune était apparemment pour en demeurer là, sans une rencontre fortuite qui le porta plus haut qu’il n’avait jamais espéré, et qui marque admirablement l’esprit de la cour.

« Un jour la conversation étant tombée sur le sujet de Charles-Quint, à la table du roi où Amyot était obligé d’assister, on loua cet empereur de plusieurs choses, mais surtout d’avoir fait son précepteur pape. C’était Adrien VI. On exagéra si fortement le mérite de cette action, que cela fit impression sur l’esprit de Charles IX, jusque-là même qu’il dit que, si l’occasion s’en présentait, il en ferait bien autant pour le sien ; et de fait, peu de temps après, la grande aumônerie de France ayant vaqué, le roi la donna à Amyot. Celui-ci, soit qu’il eût quelque pressentiment de ce qui devait arriver, ou par humilité pure, s’excusa tant qu’il put de l’accepter, disant que cela était trop au-dessus de lui. Mais ce fut inutilement ; le roi lui dit que ce n’était encore rien.

« Cependant, cette nouvelle ayant été portée aussitôt à la reine-mère

  1. Amyot fut précepteur du jeune Charles et du jeune Henri, et non de François, leur aîné.