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FRANKLIN.

culte de ses intérêts ; puritain par la rigueur apparente des observances morales ; disciple de Locke par l’amour extrême de la tolérance ; doux, intelligent, sachant attendre ; ne trompant personne, mais prenant fort bien ses avantages et ne se laissant jamais tromper ; disposant son propre bonheur avec un soin digne de Fontenelle ; arrangeant sa propre vertu avec une certitude digne de Grandisson ; sachant se taire et parler avec une sagacité digne de M. de Talleyrand ; prolongeant sa propre vie en homme sûr de dominer ses émotions ; placé dans de telles circonstances et les mettant si bien à profit, qu’il a passé, pendant un demi-siècle, pour l’idéal même de l’humanité sublime, et qu’il est presque téméraire aujourd’hui de ne pas l’adorer comme un dieu sans tache.


Ceux qui ont regardé l’insurrection des États-Unis comme un fait imprévu et une catastrophe non préparée, n’ont qu’à lire les mémoires de Franklin, et surtout ses lettres particulières, écrites antérieurement à la déclaration des droits. Ils reconnaîtront sans peine l’inévitable courant qui détachait la colonie de la métropole. Les colons n’avaient plus besoin de leur mère, devenue marâtre. Dans les interminables discussions soulevées entre les propriétaires du sol (résidant à Londres) et les exploitateurs de ce sol, les premiers, toujours vainqueurs devant les tribunaux anglais, avaient cependant le dessous en réalité, puisque leurs ordres ne s’exécutaient pas et que les sentences rendues en leur faveur restaient inefficaces. C’était une position politique tellement fausse, qu’elle ne pouvait subsister longtemps. Les citoyens américains se voyaient assujettis à la loi de quelques familles anglaises, auxquelles les Stuarts avaient concédé la propriété du sol. Pour renverser cette propriété illusoire, on commença par l’opposition légale, on finit par la révolte, et l’appel aux principes primordiaux de la justice divine et de l’équité humaine retentit jusqu’aux régions les plus éloignées. Avant de réussir, les colons, que certaines familles aristocratiques prétendaient soumettre à une dépendance impossible et ridicule, marchèrent constamment dans la voie qui leur était frayée par Locke, Shaftesbury et les fondateurs puritains de la colonie, dans la voie de la liberté. Déjà, lorsque Franklin parut sur la scène politique, l’esprit teutonique et puritain avait accompli en Amérique une grande partie de sa conquête. Ces colons faisaient leurs affaires eux-mêmes, repoussaient les sauvages, se battaient contre les Français du Canada, et réglaient leurs intérêts domestiques ; un plan d’union entre les provinces trans-