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REVUE. — CHRONIQUE.

mons la responsabilité ministérielle. Si les ministres n’étaient plus que des agens subalternes qui dussent, tous les jours et pour tout acte de quelque importance, recevoir le mot d’ordre comme des préfets ou des commandans de place, la responsabilité ministérielle, cette appréciation plus encore politique que judiciaire de leur gestion, serait exorbitante et répugnerait aux idées les plus élémentaires de la justice.

Au reste, pour en revenir à la question des douze régimens, la chambre n’a pas attaché d’importance à l’accusation d’inconstitutionnalité. Elle a senti que c’était au budget que son droit de contrôle devait s’exercer, que là son droit était de blâmer ou d’approuver, d’accorder ou de refuser la dépense ; rien de plus, rien de moins. C’est le fond de la question qui a le plus occupé la chambre, et ici encore nous ne pouvons pas dissimuler que M. le ministre de la guerre nous paraît avoir manqué une belle occasion de montrer que les hommes éminens savent grandir encore et s’honorer eux-mêmes en rendant pleine justice à leurs adversaires politiques. Qu’on n’imagine pas que c’est là de la niaiserie ; c’est de l’habileté. Préférât-on Machiavel à Aristide, c’est encore le parti qu’il fallait prendre, parce que seul il réunissait la dignité et la force. En politique pas plus qu’à la guerre, on ne suit pas les hommes perplexes, embarrassés, et qui paraissent douter de leur propre pensée. Pour marcher le premier, il faut montrer aux partis qu’on ne redoute ni les adversaires qu’on a en face, ni ceux qu’on a laissés derrière soi ; et la meilleure preuve qu’on ne les redoute pas, c’est de leur rendre hautement justice, envers et contre tous, sur les points où ils ont bien mérité du pays. Le vrai public, la partie saine, respectable, puissante du public, n’appartient à aucun parti, n’est à la suite d’aucun homme ; elle ne connaît que la France, la chambre et la monarchie. C’est là le public dont il faut prendre souci, et ce public-là est impartial, sincère, sensé. C’est à ses yeux qu’il ne fallait pas avoir l’air de vouloir et de ne pas vouloir, d’adopter et de livrer, de maintenir et de blâmer. Ce sont là subtilités qu’il ne comprend pas, embarras qui l’étonnent ; et s’il cessait de s’étonner ; s’il parvenait à comprendre, à coup sûr il n’approuverait pas.

Au surplus, quelle est cette grande querelle qui a tant agité la chambre des députés et qui recommencera, dit-on, un de ces jours, à la chambre des pairs ? Il est question de savoir si la France aura douze cadres de plus ou de moins pour ses régimens d’infanterie. Quelle énormité ! Ne dirait-on pas qu’il y va du salut de la monarchie ?

« Il fallait à la place ne créer que des quatrièmes bataillons. » — En effet, on aurait épargné 400,000 francs. Voilà l’importance du débat, pour ceux du moins qui ne pensent pas qu’après le traité du 15 juillet on dût laisser notre état militaire dans l’état déplorable où il était tombé.

Quant à nous, qui prévoyons une diminution de notre effectif pour le soulagement de nos finances, nous remercions d’autant plus le cabinet du 1er  mars d’avoir porté à cent le nombre des régimens d’infanterie. Il n’est pas besoin d’être homme de guerre pour savoir que les bons cadres font