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ou moins aléatoire la formation des commissions, et souvent c’est le hasard qui décide de l’esprit et des tendances de ces puissans comités.

D’un autre côté, avouons-le, les ministères se rapetissent de plus en plus devant les commissions. Est-ce là un mal sur lequel les amis sincères de nos institutions puissent fermer les yeux ? Voyez plutôt, regardez autour de vous et décidez. Le gouvernement de la France a-t-il gagné en force, en éclat, en énergie ? A-t-il tiré du concours des chambres, de nos belles et nobles institutions, toute la vie, toute la grandeur qu’elles auraient dû lui communiquer ? Certes, il est permis d’en douter. Est-ce la faute des institutions et des hommes ? On se plaît à accuser les institutions ; c’est une accusation qui demande peu de courage, et qui n’a pas de conséquence.

Pour nous, ce sont les hommes que nous accusons. Les assemblées délibérantes ne fonctionnent régulièrement que lorsqu’elles se trouvent en présence d’une administration forte, courageuse, tout aussi prête à s’incliner respectueusement devant le droit de la chambre qu’à se redresser fièrement et à défendre en toute occasion envers et contre tous, coûte que coûte, la prérogative royale et les attributions du gouvernement. Si les ministres de la couronne ne se sentaient pas très haut placés ; si, au lieu de demander le vote des chambres, ils le mendiaient ; si, au lieu de donner l’impulsion, la direction, ils la recevaient, eux qui seuls peuvent connaître tous les écueils au milieu desquels le vaisseau de l’état doit faire route ; si, au lieu de s’occuper des choses et de songer à l’avenir, ils ne pensaient qu’au présent et ne s’occupaient que des personnes, des mille combinaisons qu’enfantent les coteries, et des misères infinies de l’esprit de parti, la monarchie représentative ne serait plus qu’une forme qui envelopperait un tout autre gouvernement, qui ne servirait qu’à déguiser une sorte d’anarchie légale qu’on ne saurait définir. Tout le poids se trouvant dans un des bassins de la balance, l’équilibre serait impossible. Où en serions-nous si, pour toutes les mesures d’administration, il fallait sur-le-champ convoquer les chambres, étaler à la face du public toutes les données, toutes les conjectures, toutes les craintes, toutes les espérances du gouvernement, et jouer avec l’Europe ayant nous seuls cartes sur table ? Sans doute, même dans les questions qui ne sont pas de la compétence directe des chambres, l’administration fait acte de prudence, lorsque, le pouvant sans inconvénient pour la chose publique, elle pressent les intentions de la législature. Cela est possible et convenable dans un grand nombre de cas, par exemple, lorsqu’il s’agit de créer un emploi, de distribuer d’une manière plus efficace, plus régulière peut-être, mais plus coûteuse, certains travaux administratifs. Ces communications préalables entretiennent l’harmonie des pouvoirs. Tout dépend des circonstances. L’administration est juge, à ses périls et risques, de l’urgence, de la convenance, de l’à-propos ; mais qu’on ne vienne pas lui prescrire de règle absolue, lui enlever toute liberté d’action, lui ôter tout courage. C’est préparer l’abaissement du pays ou l’anarchie.

Soyons du moins équitables et conséquens. S’il doit en être ainsi, suppri-