Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/66

Cette page a été validée par deux contributeurs.
62
REVUE DES DEUX MONDES.

soumission des Djars ; pourtant leurs brigandages sont encore fréquens. Les Djars ne respectent les autorités que lorsqu’ils s’y voient forcés.

La forteresse de Zakataly a deux bataillons de garnison ; un bataillon était employé à bloquer une tribu lezghe qui refusait de rendre quatre-vingts prisonniers enlevés à la tribu des Ingiloks, alliés de la Russie. Les Lezghes, réfugiés dans les parties inaccessibles de la montagne, savent toujours rompre le blocus, malgré le nombre de troupes que l’on y emploie. Les Russes, espérant les soumettre par la famine, avaient interdit toute communication avec eux. Pourtant, depuis six mois, les Lezghes résistaient à toutes les propositions qui leur étaient faites ; ils n’avaient plus, disaient-ils, les Ingiloks en leur pouvoir ; c’était chez les Tchetchens qu’il fallait les réclamer.

On a formé à Zakataly un corps composé de cent quatre-vingts montagnards à cheval, armés, comme tous les habitans, d’un fusil, d’un sabre et d’un large poignard. Cette milice est payée, elle sert aux escortes et à porter les ordres que les généraux veulent transmettre dans la montagne ; les chefs seuls ont un costume particulier et un rang dans l’armée russe. Les habitans paient douze francs par feu ; moitié de cette somme est consacrée à l’entretien de la milice, moitié revient à la couronne. Le général Andrep m’assura que les habitans, jadis astreints au service militaire à la moindre réquisition, étaient satisfaits du régime actuel. Je vis le plan d’une colonie que l’on se propose de former en Kakhétie ; cette colonie serait habitée par des Lezghes auxquels le gouvernement fournirait tous les matériaux nécessaires pour s’établir ; on leur bâtirait même leurs maisons ; il recevraient des terres à mettre en culture, et seraient libres de tout impôt pendant dix ans. Chaque année, au retour de l’été, ils pourraient quitter la vallée et retourner dans leurs montagnes. Cette colonie formerait une longue rue commandée par un petit fortin avec des soldats russes pour garnison. Je doute que ce plan séduise les Lezghes, qui préfèreront leur vie nomade à la protection des canons russes. Le bataillon en garnison à Zakataly, au lieu de mille hommes, n’en comptait que quatre cents ; le nombre des malades est d’un dixième.

Le général Andrep me raconta une excursion qu’il venait de faire dans la montagne avec une suite de trente Djars dévoués. Les villages qu’il avait traversés étaient hostiles aux Russes sans être pourtant avec eux en guerre ouverte. Il avait séduit les anciens par de belles promesses, l’assurance de ses intentions pacifiques, et la promesse de