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aucun document sur sa vie. En 1443, il retourne à Mayence et s’y retrouve pauvre comme par le passé. Après maint essai d’impression en caractères fixes, il apportait à sa ville natale la découverte des lettres mobiles. Peut-être était-ce là ce qui le ramenait à Mayence. Il allait, comme Christophe Colomb, ouvrir une nouvelle ère dans l’histoire du monde, et il voulait qu’elle fût inscrite au berceau de ses pères. Mais quel grand homme, quel bienfaiteur de l’humanité, a jamais obtenu tous les fruits qu’il pouvait attendre de sa découverte ! Guttemberg, à qui nous élevons aujourd’hui des statues, arrive à Mayence, achevant de mûrir dans sa tête son œuvre d’imprimeur, et n’ayant ni atelier ni matériau. Il emprunte de l’argent à l’aide d’une caution et ne peut le rendre. Il s’associe avec Fust ou Faust pour l’impression de la Bible, et n’ayant pu lui rembourser les avances qu’il a reçues, il est forcé de lui abandonner sa découverte, son art, sa joie. Grace au secours d’un sénateur de Mayence, il parvient cependant à établir une nouvelle presse et imprime le Speculum Sacerdotum et le Donat. Sur la fin de sa vie, il eut le stérile honneur d’être anobli par Adolphe de Nassau. Les érudits ont découvert qu’il mourut le 4 février 1468, et voilà toutes les notions que l’on a pu recueillir sur Guttemberg.

M. Sotzmann repousse vivement, et par des raisons fort logiques, l’opinion de quelques savans, qui attribuent à Laurent Coster la découverte de l’imprimerie, et prétendent que Guttemberg aurait seulement dérobé le secret du sacristain de Harlem. Pour nous, il nous semble que Guttemberg a trop éprouvé le malheur des hommes de génie pour n’avoir pas eu quelque mission d’homme de génie à remplir, et qu’il a été trop méconnu, trop pauvre, pour n’avoir pas fait lui-même une de ces découvertes qui enrichissent le genre humain.


Et maintenant quelle conclusion tirer de ces diverses productions de la littérature allemande, de ces brochures sur le Rhin, de ce livre de Heine, de ces dernières lettres de Niebuhr ? La conclusion, la voici. Après notre révolution de juillet, on vit surgir en Allemagne un parti démocratique jeune et ardent, qui entonna un hymne de triomphe. Ce parti, qui eut bientôt une foule de prosélytes, qui étendit ses ramifications dans toutes les villes de commerce et toutes les universités, et qui mêlait, il le faut dire, de nobles et généreuses pensées à des projets trop excentriques, ce parti a été vaincu, proscrit et dispersé par la police des cabinets allemands. Des différens hommes qui le dirigeaient ou qui aidaient le plus à son mouvement, les uns sont morts, d’autres sont exilés ; d’autres, cédant à l’impérieuse nécessité, ont fait leur paix avec le pouvoir, et sont rentrés dans leurs foyers sous le regard vigilant de la police et le bon plaisir de la censure. Maintenant le peuple allemand est retombé dans cette vie uniforme et paisible où ses princes tâchent de le maintenir. Les rumeurs de guerre de la France lui ont donné encore récem-