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LES PROVINCES DU CAUCASE.

produit et la fabrication de la soie pourraient devenir une branche importante de revenu ; mais quel négociant oserait exposer ses capitaux dans un pays où la prospérité et la ruine d’une fabrique dépendent du bon vouloir des employés du gouvernement ? La direction des établissemens créés par la Russie est confiée à quelques protégés, qui n’y voient qu’un moyen de réparer le désordre de leur fortune. Leur but principal est de préparer quelques produits apparens, qui, flattant la vanité des autorités, sont envoyés à Pétersbourg et motivent de nouvelles allocations. Plus tard l’établissement tombe, les directeurs se sont enrichis, et le gouvernement renonce à maintenir des fabriques qui ne réunissent pas, déclare-t-il, les élémens d’une prospérité stable.

Un bataillon garde la forteresse qui commande Signakh. Au pied de la ville, située sur une élévation, commence la Kakhétie, vallée la plus riche et la plus fertile de toute la Géorgie. On évalue à trois millions de seaux la quantité de vin qui se recueille dans cette vallée. Ce vin, renommé dans tout le gouvernement du Caucase, est comparé par les Russes à notre vin de Bourgogne ; je le trouve plus léger et moins capiteux ; il est rare qu’il n’ait pas un goût de résine provenant des outres dans lesquelles on le transporte. Des hauteurs de Signakh, l’horizon est borné par la chaîne du Caucase, couronnée de forêts, et la cime du Schah-Dagh, couverte de neiges perpétuelles. De nombreux villages que l’on reconnaît à l’épaisse verdure qui les enveloppe, des vignes, des champs cultivés, et l’Alazan, qui arrose la vallée de la Kakhétie, forment un panorama aussi riche qu’étendu, car la vue se prolonge sur un espace de plus de dix lieues.

La route de poste se termine à Signakh ; au-delà de cette ville, on ne trouve plus que des chevaux de Cosaque, et il faut pour les obtenir un ordre du gouvernement. Je montai à cheval, et après quelques heures de marche, pendant lesquelles je rencontrai quelques paysans occupés à labourer leurs champs avec des charrues sans roue auxquelles étaient attelées six et sept paires de bœufs, j’entrai dans le campement de Tcharkoie Kalodney (fontaine des rois). Le régiment d’infanterie dit de Tiflis y était établi. Ce régiment qui devrait être au complet de cinq mille hommes, n’est fort que de trois mille. Un régiment de dragons, établi pendant l’hiver à Karagatch, position que les chaleurs de l’été rendent inhabitable, se trouvait également à Tcharboie Kalodney. Ce régiment, qui devait être de douze cents hommes, en comptait huit cents. Une batterie d’artillerie de douze petites pièces et deux cents artilleurs complètent le camperment. Des