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PHILOSOPHIE DE M. BUCHEZ.

de la proposition narrative ? C’est « la relation que l’homme établit avec son but à l’aide d’une action. » Cette définition, qui se trouve dans un chapitre intitulé : De la Morale quant à la proposition, est très propre en effet à jeter un jour tout nouveau sur les questions logiques. « Ce sont là de beaux sujets d’étude, dit M. Buchez, de grands moyens de démonstration. » À la bonne heure, et même des moyens tout nouveaux et qui n’appartiennent qu’à vous et à votre école. Mais il n’en est pas de même, par exemple, du grand procédé que vous voulez substituer aux méthodes indo-grecques, et qui consiste à poser d’abord une hypothèse et à la vérifier ensuite par des expériences. Cette méthode est connue de tout le monde, et tout le monde l’a décrite ; nous nous bornerons à renvoyer M. Buchez, pour l’exposition de cette méthode, au chapitre XII du livre IV des Nouveaux Essais de Leibnitz, et pour la réfutation, à l’un des premiers chapitres de la Recherche de la Vérité, par Thomas Reid. En théodicée, les innovations de M. Buchez ont le même sort. M. Buchez emploie, entre autres démonstrations de l’existence de Dieu, cette fameuse preuve de l’origine du langage, si chère à tous les disciples de M. de Bonald ; il déclare que Dieu, quoiqu’il n’y ait pas de succession dans sa durée, agit diversement sur le monde à diverses époques, c’est-à-dire « intervient dans la successivité ; » que le bien et le mal dépendent de la volonté de Dieu, et que, si Dieu l’avait voulu, ce qui est aujourd’hui le mal aurait été le bien à son bon plaisir ; ce sont là de vieilles erreurs et non des innovations. Il est vrai que M. Buchez combat de toutes ses forces l’innéité de la conscience morale. « Nous opposerons, dit-il, à ce préjugé un argument, à savoir, que si cette doctrine était exacte, tout ce que nous avons exposé précédemment serait faux. » Ce n’est pas une raison ; et c’est se faire une bien fausse idée de la liberté en général et de la nature divine, que d’anéantir la bonté de Dieu en subordonnant à sa volonté libre la notion même du bien et du mal. Nous ne parlons pas de la doctrine de Dieu un et triple, Dei uni et trini ; car ici M. Buchez convient qu’il n’innove pas, si ce n’est peut-être dans la langue latine, et il se borne à rapporter l’opinion de saint Augustin, de saint Ambroise, de saint Bernard, de saint Thomas, de Bossuet et de M. l’abbé Frère ; il n’oublie que saint Anselme. Enfin, pour terminer sa théodicée, M. Buchez insère, dit-il, un petit travail qui établit les points suivans : Il faut distinguer l’activité, l’action et l’acte ; l’activité est la force, l’action est la détermination de cette force, et l’acte en est le produit. L’acte est séparé de la force qui le produit ; l’activité peut être infinie en durée et en étendue,