Quel est celui de vous qui ait fait un sacrifice, autrement qu’à la manière d’Épicure, c’est-à-dire pour obtenir un plus grand bien-être personnel ? Eh ! peut-être y a-t-il, parmi vos adversaires ou parmi vous, des misérables qui ont le mot d’honneur et de vertu à la bouche, et dans le cœur de honteuses passions. Mais que fait tout cela à la philosophie, et dans une discussion de principes ? Laissez là les soldats, et regardez le drapeau !
M. Buchez, qui est si prompt à imposer aux autres des conséquences qu’ils ne veulent pas admettre et que leurs principes ne contiennent pas, est fort loin assurément de se rendre compte de la portée de ses propres théories. Quelles sont en effet ces grandes innovations qui doivent renouveler la philosophie de fond en comble ? Une théorie sensualiste sur l’origine des idées, une confusion radicalement impossible de la raison et de la foi, et la morale érigée en criterium de la certitude humaine. M. Buchez ne sent pas où tout cela devrait le conduire ; mais c’est une route si souvent parcourue avant lui, qu’il est aisé d’en montrer d’avance le terme fatal. Nos idées, suivant lui, ne sont pas « un phénomène purement spirituel ; » elles impliquent deux choses, une certaine modification du cerveau et une opération de l’esprit qui agit sur cette modification. Si M. Buchez se bornait à dire que la perception du monde extérieur suppose, outre l’exercice de notre activité intellectuelle, de certaines modifications cérébrales, ce ne serait pas une innovation ; l’innovation consiste à affirmer qu’un certain dérangement dans les molécules matérielles qui composent notre cerveau fait partie intégrante de nos idées, et à croire que cette disposition de la matière cérébrale est nécessaire, même quand il ne s’agit pas du monde extérieur. Ainsi, selon M. Buchez, pour penser à Dieu, il est nécessaire d’avoir un cerveau, et Dieu, s’il n’a pas de corps, ne saurait penser à rien ! il ne peut repousser cette conséquence, qui est immédiate, à moins de dire qu’il existe des moitiés spirituelles d’idées, privées de leur moitié corporelle, ou que cette alliance d’un phénomène du corps et d’un phénomène de l’esprit, formant un seul et même phénomène complexe, qui est l’idée, n’est nécessaire que dans l’état actuel, et pendant que l’homme a un corps. Mais si la modification cérébrale n’est pas essentiellement nécessaire à la pensée, pourquoi affirmer, je ne dis pas qu’elle fasse partie de notre pensée, ce qui, pour un spiritualiste, est vraiment trop bizarre, mais qu’elle la précède toujours nécessairement ? On ne peut le savoir que par des expériences ou par des inductions tirées de certains faits. Les inductions ne manquent pas, il est vrai, pour établir que