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trouvera peut-être nos préliminaires trop étendus, dit quelque part M. Buchez, mais nous n’avons pas été fâchés de montrer que ce n’était pas sans une certaine connaissance du sujet, que nous entreprenions d’en donner une définition nouvelle. » Il n’est pas un lecteur un peu instruit à qui la lecture des pages qui précèdent cet aveu naïf ne démontre précisément le contraire. L’expérience mérite d’être faite ; il n’y a qu’à lire entre autres la page 202 et suiv. du premier volume. M. Buchez annonce à plusieurs reprises l’intention que ses lecteurs « trouvent dans son ouvrage quelque érudition à recueillir. » M. Buchez paraît fort versé dans la connaissance des pères, il est aussi sans nul doute très savant en histoire naturelle ; mais quant à son érudition philosophique, c’est une illusion complète.

Dans cette revue de toutes les philosophies, M. Buchez ne peut oublier les contemporains, et ceci a plus d’importance. Il classe tous les fléaux dont se voit infectée la philosophie de nos jours, sous trois grands chefs, le matérialisme, le panthéisme et l’éclectisme. Nous n’avons rien à dire de la réfutation qu’il fait des matérialistes, sinon que, si les matérialistes n’ont rien de mieux à dire que ce qu’il leur prête, il prend peut-être, en les réfutant, une peine inutile ; il y a des théories, M. Buchez devrait le savoir, qui ne peuvent être discutées que du vivant de leurs auteurs, et quand il est à craindre qu’elles n’égarent quelques esprits mal faits. À quoi bon exhumer les hypothèses du XVIIIe siècle sur la génération spontanée, les petites anguilles que Needham a vues dans du jus de mouton, et cet admirable Maillez qui prend les hommes pour des poissons perfectionnés, et à qui Voltaire demandait si plaisamment s’il descendait d’un turbot ou d’une morue ? Le chapitre sur le panthéisme n’est guère qu’une reproduction des argumens insuffisans de Bayle, déjà copiés une fois par Diderot. M. Buchez voit du panthéisme partout ; M. Lamennais (qui n’avait pas encore écrit l’Esquisse) n’en est pas exempt ; M. Pierre Leroux, que M. Buchez n’épargne guère, est à la tête des panthéistes. L’auteur, faute de temps et d’espace, ne fait qu’indiquer rapidement les conséquences principales qu’entraîne la fausse théorie qu’il combat. « Si nos lecteurs doutaient de cette dernière conséquence, dit-il quelque part, nous les prions de vouloir bien étudier le buddhisme, et ils nous comprendront. » Le remède est héroïque, et M. Buchez ne sait pas ce qu’il demande.

Nous arrivons à l’éclectisme, et c’est là le grand ennemi. M. Buchez regarde comme les chefs principaux de cette école Thomas Reid, M. Royer-Collard et M. Cousin. Il recherche l’origine de l’éclectisme