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PHILOSOPHIE DE M. BUCHEZ.

ce sont des résumés faits à une époque relativement très récente ; mais au moins, cela a quelque espèce d’antiquité. Il n’en est pas de même du Lexicon rationale de Chauvin, où M. Buchez a puisé tout ce qu’il sait de Platon et d’Aristote ; il est fort permis assurément de n’avoir jamais lu ni Platon, ni Aristote, ni aucun des grands philosophes grecs ; mais disserter sur leurs erreurs, sur leur méthode, déclarer qu’on a pris pour tâche de les chasser du monde philosophique, et tout cela sans les connaître, c’est compter un peu trop sur l’ignorance de ses lecteurs. C’est grace à ce procédé que M. Buchez attribue à Platon et à Aristote des définitions qui ne sont autre chose que des résumés de leurs doctrines, dus à la minerve des commentateurs de troisième main ; c’est aussi ce procédé qui explique les erreurs où il est tombé ; il ne sait pas, par exemple, que les idées de Platon n’ont rien de commun avec les idées-images ; que le mot matière ne signifie pas, chez les anciens, la même chose que corps. L’auteur d’un livre assez bizarre, intitulé Philosophie catholique de l’histoire, M. Guiraud, s’étant avisé de dire que la matière est le corps de Satan, M. Buchez rapproche cette belle théorie de la doctrine platonicienne sur la matière. D’après lui, les idées de Platon sont les effets des propriétés de l’ame se manifestant au contact du monde extérieur ; le θυμὸς est l’ame corporelle, etc. À voir la manière dont sont traités Platon et Aristote, ne dirait-on pas qu’on les range parmi « ces systèmes depuis long-temps jugés, et qui ne comptent plus que parmi les curiosités historiques ? »

M. Buchez sans doute ne parlerait pas ainsi des doctrines modernes, et il les a probablement étudiées avec plus d’attention. Je ne sais pourtant s’il a lu Leibnitz dans Leibnitz, ou dans l’abbé Para du Phanjas, qui en donne, dit-il, une exposition sérieuse. La lecture de Leibnitz lui aurait appris la vérité sur quelques-unes des innovations que nous trouverons tout à l’heure, et lui aurait inspiré plus de respect pour un tel génie. Il dit à la vérité que Leibnitz est « un homme recommandable mais il lui oppose victorieusement D. François et l’abbé Para, et il y a là comme une sorte d’irrévérence, quoique M. Buchez soit coutumier du fait, et que l’on trouve souvent accouplés chez lui saint Thomas et la Philosophie de Lyon, Aristote et l’abbé Para du Phanjas, Platon et M. Guiraud. Nous n’insisterions pas sur des faits pareils si cette érudition équivoque n’était étalée avec un certain luxe que nous regardons sincèrement comme une preuve de la bonne foi de l’auteur, mais qui peut avoir une mauvaise influence sur l’esprit des lecteurs étrangers aux matières philosophiques. « On