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LES PROVINCES DU CAUCASE.

pouvaient soutenir la concurrence avec les produits étrangers ; je sais jusqu’à quel point les négocians russes ont profité des avantages qu’on leur assurait. Toujours est-il qu’une contrebande aussi facile qu’active fournit aux habitans des frontières tous les produits étrangers qu’ils désirent. Tiflis devenait un point important pour le commerce d’Asie : la loi de douanes a ralenti son activité, et ce n’est plus aujourd’hui qu’un dépôt de marchandises russes aussi chères que mauvaises. Quelques Russes distingués m’ont dit avec quel regret ils avaient vu adopter cette mesure. Ils la regardent comme contraire à la prospérité générale de la Géorgie, qui s’est vue sacrifiée en cette occasion à l’intérêt de quelques négocians ; ils appuient leur opinion sur la diminution du revenu des douanes et sur l’accroissement de l’importance de Trébizonde, devenue le centre de toutes les opérations commerciales avec la Perse. Tous s’accordent à reconnaître la mauvaise qualité et la cherté des marchandises qu’on envoie en Géorgie. Les objets de première nécessité sont hors de prix, et souvent encore on a peine à se les procurer.

L’aspect général de Tiflis n’offre rien de remarquable. Les montagnes qui entourent la ville sont tout-à-fait arides ; dans les belles journées seulement, on aperçoit la cime neigeuse du Kazbek. Tiflis a perdu tout caractère oriental sans devenir tout-à-fait russe. Quel singulier contraste avec les maisons presque souterraines des Géorgiens. On est frappé du mauvais goût des Russes, qui placent sur la façade de leurs maisons quelques colonnes en bois peint aussi disgracieuses qu’inutiles. Les rues sont tellement inégales et si mal pavées, qu’après quelques heures de pluie il est impossible de les traverser. Le Kour roule ses eaux bourbeuses au milieu de la ville. Souvent des crues rapides interrompent toute communication, et il arrive assez fréquemment que les ponts, d’une construction vicieuse, sont emportés par la violence des eaux. Les sources chaudes qui ont fait choisir la position qu’occupe Tiflis pour l’emplacement d’une ville, ont une température de vingt à trente degrés ; la qualité de ces eaux est sulfureuse ; elles sont bonnes surtout contre les maladies de peau. Les habitans en font un très fréquent usage. Les chaleurs de l’été sont lourdes et malsaines à Tiflis ; l’hiver, le froid y est rigoureux.

Prise et reprise plusieurs fois dans les guerres qui désolèrent la Géorgie à toutes les époques, Tiflis n’a aucun monument ancien. Il reste seulement quelques traces d’un mur d’enceinte qui couronnait la montagne au sud de la ville. Une petite église et un couvent sont,