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Je ne m’arrête point à une autre idée, indiquée en passant par M. de Carné, celle d’une chambre des pairs qui se renouvellerait elle-même, par voie d’élection intérieure, comme une académie. On sait combien, au sein des académies, les idées jeunes ont peine à se faire jour, et quels obstacles la routine oppose à l’innovation. Que serait-ce d’un corps politique où une majorité une fois formée aurait un intérêt personnel à se maintenir telle quelle, et à empêcher toute autre majorité de se former ? Si la chambre des pairs cesse d’être au choix du roi, il faut qu’elle soit directement ou indirectement à la nomination d’un corps électoral quelconque, et ce jour-là même elle devient, non l’auxiliaire, mais la rivale de la chambre élective. Que les amis de la chambre des pairs n’aillent donc pas, dans leur zèle imprudent, l’affaiblir eux-mêmes chaque jour, sous prétexte de la défendre ; qu’ils n’aillent pas, à force de répéter qu’elle est mal constituée, détruire toute son autorité morale et toute sa légitime influence. S’il est quelque réforme à introduire dans l’organisation de la chambre des pairs, ce n’est, j’en suis convaincu, que par l’élargissement ou par la suppression des conditions actuelles d’admissibilité. Par l’effet de ces conditions, la chambre des pairs, si l’on n’y prend garde, finira par ne plus guère se composer que de fonctionnaires militaires ou civils en retraite ou en activité de service. Or, il serait bon d’y introduire quelques élémens un peu plus jeunes, un peu plus actifs, et qui remplaceraient utilement les restes chaque jour moins nombreux de l’ancienne chambre des pairs. Ce serait là une réforme bien modeste, bien facile, et qui aurait l’avantage de fortifier la chambre des pairs sans porter atteinte à l’article 27 de la charte.

En ce qui concerne la chambre des députés, M. de Carné indique un système nouveau et complet. Ce n’est rien moins que de faire nommer les conseils municipaux par les plus imposés de chaque localité, les conseils d’arrondissement par les conseils municipaux, les conseils de département par les conseils d’arrondissement, la chambre des députés par les conseils de département. Grace à ce mécanisme, les corps électifs s’engendreraient l’un l’autre, ils se supporteraient comme les étages divers d’un même édifice ; ce qui, selon M. de Carné, serait bien préférable à leur isolement actuel.

Quand une idée se produit pour la première fois, il faut, je le sais, se garder de la repousser aveuglément et sans examen. J’ai pourtant peine à croire que M. de Carné lui-même attache à celle-ci beaucoup d’importance. Dans notre ordre constitutionnel, M. de Carné