et nobles qualités, des qualités merveilleusement propres au gouvernement des états. Sans parler de la persévérance et de l’esprit de suite qui les distingue d’ordinaire, c’est quelque chose que de posséder dans un pays libre un certain nombre de familles dont les membres, par devoir et par honneur, se préparent dès l’enfance à la vie publique, étudient la science politique comme on étudie toute autre science, et se plient de bonne heure aux idées et aux habitudes qui rendent le jeu du gouvernement facile et régulier. De qui, au contraire, se compose en France la classe qui se trouve appelée à gouverner ? D’hommes nés pour la plupart dans une condition médiocre, et qui, au sortir de l’enfance, ont été saisis par une profession libérale ou industrielle à laquelle ils ont voué leurs plus belles années ; d’hommes par conséquent pour qui, dans les temps ordinaires, la politique est un intérêt secondaire, et qui aiment le gouvernement représentatif sans pouvoir en approfondir toutes les conditions. Qu’une telle classe, touchant par tous les points à la nation tout entière, soit bien plus que l’aristocratie anglaise en mesure de reproduire les idées, les sentimens, les instincts véritables du pays, je le crois, et c’est pourquoi je m’applaudis de voir le pouvoir entre ses mains ; mais il est impossible d’attendre d’elle cette unité, cette fixité, cette connaissance réfléchie des vraies conditions du gouvernement, qui résultent en Angleterre de traditions non interrompues et d’une éducation spéciale. De là, dans la pratique, si ce n’est dans la théorie, des anomalies singulières et qui se manifestent tous les jours.
Je n’en citerai qu’un exemple, le plus frappant de tous. Assurément si, parmi les conditions du gouvernement représentatif, il en est une essentielle et fondamentale, c’est l’obligation pour chacun de ceux qui participent à ce gouvernement de faire un choix entre les deux grands partis qui se disputent le pouvoir, et, une fois ce choix fait, de subordonner souvent son opinion propre à celle de l’association dont on fait partie. Méconnaître cette obligation, c’est rendre le gouvernement impossible, ou du moins annuler le pouvoir parlementaire au profit d’un autre pouvoir. En Angleterre, cela est parfaitement compris, et chaque fois qu’une question de parti se présente, on peut, à cinq ou six voix près, faire d’avance le compte de tous ceux qui voteront dans un sens ou dans l’autre. Mais, il en faut convenir, une discipline si rigoureuse a quelque chose qui blesse au premier abord des sentimens naturels et honorables. Prendre ainsi le mot d’ordre et reconnaître des chefs n’est-ce pas renoncer à son libre arbitre et abdiquer toute indépendance personnelle ? Voilà ce que