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DU GOURVERNEMENT REPRÉSENTATIF.

sées coupèrent pour un moment la chambre en deux, et rendirent au gouvernement représentatif un peu d’action et de vie. Mais, après avoir rallié une majorité dans les élections, ces questions, trop abstraites peut-être pour devenir facilement populaires, disparurent dans la mêlée des rivalités personnelles et des querelles intestines. La confusion recommença donc, et avec elle le règne des intérêts privés et l’abaissement du gouvernement représentatif.

Maintenant, une telle situation peut-elle, doit-elle durer ? Je ne saurais le penser. Déjà, au milieu de la lassitude et de l’indifférence générale, on voit poindre certaines idées et certains sentimens qui doivent rendre à la lutte politique, dans les chambres et hors des chambres, le terrain qui lui manque. Malgré les efforts que l’on a faits et que l’on fait encore pour l’obscurcir, la question extérieure s’est fort éclaircie depuis six mois, et tout annonce qu’elle est à la veille de s’éclaircir plus encore. Quant à la question intérieure, il est impossible que, sous une forme ou sous l’autre, le combat bientôt ne s’engage pas franchement entre ceux qui aiment la révolution de 1830 et ceux qui la tolèrent, entre ceux qui croient au gouvernement représentatif et ceux qui n’y croient pas, entre ceux qui veulent marcher en avant et ceux qui s’efforcent de revenir en arrière. Or, une fois ce combat engagé, il est bien clair qu’il restera moins de place aux passions égoïstes et aux calculs individuels.

Quoi qu’il en soit, et tout en reconnaissant que l’état actuel n’est point et ne saurait être l’état normal et permanent du gouvernement représentatif, est-il permis d’espérer que ce gouvernement accomplisse ses fonctions en France exactement comme en Angleterre, avec autant de précision et de régularité ? En d’autres termes, peut-on demander à nos assemblées législatives un classement d’opinions et d’hommes aussi systématique, aussi fixe, aussi durable, que celui dont les assemblées législatives anglaises donnent encore aujourd’hui un exemple éclatant ? Je ne le pense pas, et, bien que le mécanisme des deux gouvernemens soit à peu près semblable, il est facile d’apercevoir, soit dans l’origine et le développement de chacun d’eux, soit dans le milieu où ils existent, des différences notables, et qui doivent nécessairement modifier leur manière d’être. Ce sont les principales de ces différences que je vais essayer de signaler.

On sait comment, en Angleterre, le gouvernement représentatif est né et s’est développé. Quand la conquête normande vint détruire les vieilles libertés saxonnes et leur substituer le régime féodal et militaire, il y eut d’abord entre le peuple conquérant et le peuple