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cultés diverses qu’il doit rencontrer et les obstacles qu’il doit vaincre, tel serait le sujet de ce livre, un des plus instructifs et des plus intéressans que l’on puisse concevoir. Malheureusement, pour être digne du sujet, un tel livre exigerait deux choses fort rares de notre temps et peu conciliables avec la vie politique, de longues études et une parfaite impartialité.

M. de Carné, qui dans de nombreux écrits a prouvé qu’il ne manque ni de l’une ni de l’autre de ces deux choses, aurait pu tenter l’œuvre. Il ne l’a pas fait, et s’est contenté de réunir, en les complétant, plusieurs articles déjà publiés. Mais à défaut de l’unité et de l’enchaînement rigoureux qu’on ne peut demander à un livre ainsi composé, celui de M. de Carné se distingue par des aperçus souvent très justes, surtout en ce qui concerne l’Angleterre. Il est aisé de voir que les institutions anglaises, ces institutions dont on parle tant, et que l’on connaît si mal, ont été étudiées par M. de Carné, non à la surface et dans leur apparence, mais au fond et dans leur réalité. Rien de ce qu’elles ont d’obscur et de compliqué ne lui échappe, et il paraît en posséder l’esprit non moins bien que la lettre. Son livre, tout incomplet qu’il est, mérite donc l’attention sérieuse et réfléchie des hommes politiques, de ceux surtout qui, par une comparaison éclairée, veulent se rendre compte des imperfections absolues ou relatives de nos institutions, et des moyens de les améliorer. Pour ma part, c’est sous ce point de vue uniquement que je me propose de l’examiner. Presque toujours d’accord avec M. de Carné sur le mal, je le suis plus rarement sur le remède. Mais ce sont là des questions que la controverse éclaire, et à l’égard desquelles toute opinion sincère a besoin de faire ses réserves. Quelles que soient d’ailleurs sur plusieurs points les dissidences qui nous séparent, M. de Carné et moi, nous voulons tous deux le gouvernement représentatif vrai, c’est-à-dire un gouvernement représentatif qui ne soit pas chaque jour dénaturé et faussé. Il s’agit donc entre nous du moyen, non du but, ce qui facilite et simplifie beaucoup la discussion.

Quand on examine le jeu du gouvernement représentatif en Angleterre et en France, il est impossible de n’être pas frappé, avec M. de Carné, de tout ce qu’il a, dans un de ces deux pays, de plus régulier, de plus puissant que dans l’autre. Là deux grands partis, fortement constitués, le premier qui gouverne, le second qui aspire à gouverner, mais qui tous deux ont leurs principes établis, leurs chefs avoués, leur drapeau déployé ; ici une multitude de coteries sans drapeau, sans chefs, presque sans principes, qui se rapprochent