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ANCIENS POÈTES FRANÇAIS.

On croit entendre le bruit des palmiers. Théocrite, en son charmant dialogue entre Daphnis et une bergère, a un vers où se joue, un peu moins saintement, une image semblable. — J’entends du bruit ; où fuir ? s’écrie la bergère. — Et Daphnis répond :

C’est le bruit des cyprès qui parlent d’hyménée[1].
  1. Ainsi l’a traduit Le Brun. André Chénier a dit :

    C’est ce bois qui de joie et s’agite et murmure.

    Le vers grec a bien plus de légèretés, de liquides, et celui de Bertaut en douceur le rendrait mieux. Je trouve encore, dans des vers de notre ami Fontaney, une image toute pareille sur les arbres aux murmures parlans. C’est au milieu d’une pièce que, comme souvenir, je prendrai la liberté de citer au long. Elle s’adresse à un objet qui n’était pas celui de la passion finale dans laquelle nous l’avons vu mourir.

    Quand votre père octogénaire
    Apprend que vous viendrez visiter le manoir,
    Ce front tout blanchi qu’on vénère
    De plaisir a rougi, comme d’un jeune espoir.

    Ses yeux, où pâlit la lumière,
    Ont ressaisi le jour dans un éclair vermeil,
    Et d’une larme à sa paupière
    L’étincelle allumée a doublé le soleil.

    Il vous attend : triomphe et joie !
    Des rameaux sous vos pas ! Chaque marbre a sa fleur.
    Le parvis luit, le toit flamboie,
    Et rien ne dit assez la fête de son cœur.

    Moi qui suis sans flambeaux de fête ;
    Moi qui n’ai point de fleurs, qui n’ai point de manoir,
    Et qui du seuil jusques au faîte
    N’ornerai jamais rien pour vous y recevoir ;

    Qui n’ai point d’arbres pour leur dire
    Ce qu’il faut agiter dans leurs tremblans sommets ;
    Ce qu’il faut taire ou qu’il faut bruire ;
    Chez qui, même en passant, vous ne viendrez jamais ;

    Dans mon néant, ô ma princesse,
    Oh ! du moins j’ai mon cœur, la plus haute des tours ;
    Votre idée y hante sans cesse ;
    Vous entrez, vous restez, vous y montez toujours.

    Là, dans l’étroit et sûr espace,
    Vous monterez sans fin par l’infini degré ;
    Amie, et si vous êtes lasse,
    Plus haut, montant toujours, je vous y porterai !