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brider l’orgueil des nobles de Castille. Image plus brutale encore mais non moins exacte, de son absolutisme monacal.

Le moment approchait pourtant où Ximenès devait être la première victime de cette autorité étrangère qu’il avait tant contribué à importer en Castille. Charles était entouré à Bruxelles de conseillers flamands qui prétendaient régenter l’Espagne sans la connaître. Déjà, quand le cardinal avait pris possession de la régence, le doyen de Louvain, Adrien d’Utrecht, précepteur de Charles, le même qui devint plus tard pape sous le nom d’Adrien VI, avait essayé de la lui disputer en produisant des pleins pouvoirs de l’archiduc. Mais Ximenès n’avait pas eu de peine à faire repousser ces prétentions par le conseil de Castille ; il avait reconnu nominalement, par simple déférence, le titre d’Adrien d’Utrecht, et s’était réservé toute l’autorité, soutenu qu’il était par l’aversion des Espagnols pour le gouvernement d’un étranger. Les Flamands ne se tinrent pas pour battus par ce premier échec ; ils obtinrent encore de Charles qu’il donnât pour adjoints à Ximenès un gentilhomme flamand nommé Lachau, et un noble hollandais nommé Amerstorff. Le cardinal reçut ces nouveaux venus avec les mêmes témoignages de considération, mais il ne les admit pas plus qu’Adrien d’Utrecht au partage du pouvoir.

Tant que Ximenès fut heureux dans ses entreprises, il contint aisément l’ambition de ces étrangers qui convoitaient l’Espagne comme une proie. L’ancien roi de Navarre, Jean d’Albret, ayant tenté de reprendre son royaume par surprise, le régent envoya des troupes contre lui et le força à repasser les Pyrénées. Dans une querelle qu’il eut avec Gênes à l’occasion d’une rencontre de galères, il le prit avec tant de hauteur, que les Génois furent forcés de faire leurs excuses à Bruxelles par une ambassade. Il avait besoin de tous ces succès pour se défendre auprès de Charles ; un échec s’y mêla, qui ébranla son crédit et prépara sa ruine.

Le fameux pirate Horuc Barberousse venait de s’emparer d’Alger. Il menaçait de là Oran et l’Espagne. Ximenès envoya une flotte contre lui sous le commandement de Diego Vera, qu’il avait éprouvé au siége d’Oran. Vera fut battu complètement par Barberousse. Son armée fut détruite. Il n’en ramena en Espagne que les restes. Quoique Ximenès eût reçu avec une fermeté remarquable la nouvelle de ce désastre, ses adversaires levèrent la tête ; Adrien d’Utrecht, Lachau et Amerstorff, le croyant plus abattu qu’il ne voulait le paraître prirent avec lui plus de libertés. Un jour, ils s’avisèrent de signer