Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/541

Cette page a été validée par deux contributeurs.
537
LE CARDINAL XIMENÈS.

tacles de tout genre dans l’exécution de son projet. Ses ennemis ruinaient en ridicule cette folle tentative d’un vieux moine qui s’imaginait de commander des armées quand il aurait dû ne songer qu’à son salut. Les soldats, recrutés de toutes parts, à la mode du temps, montraient quelque étonnement de servir sous un religieux, et riaient les premiers du chef étrange qu’on leur proposait. Les aventuriers que Ximenès avait été forcé de prendre pour généraux en agissaient cavalièrement avec lui, et affectaient de ne tenir nul compte de ses instructions. Le désordre qui régnait parmi les officiers se répandit dans les rangs des soldats ; une sédition générale éclata dans l’armée au moment de l’embarquement ; on aurait dit qu’il était impossible de continuer une campagne commencée sous de si fâcheux auspices. Ximenès arrêta la sédition en faisant pendre le premier mutin qui lui tomba sous la main ; à force d’argent, d’habileté et de résolution, il parvint à se faire obéir des chefs, et l’expédition mit à la voile, suffisamment pourvue de vivres et de munitions, le 16 mai 1509.

La ville d’Oran était à cette époque une des plus fortes places de la Méditerranée. Elle formait une espèce de république sous la protection des rois de Tlemcen. Son territoire n’était pas fort étendu ; mais les Maures, chassés d’Espagne, s’y étant retirés en assez grand nombre, elle pouvait mettre sur pied des forces considérables de terre et de mer. Elle était parvenue à un haut degré d’opulence par le commerce étendu dont elle était le centre, et par les hardies excursions de ses pirates. L’expédition arriva, dès le lendemain de son départ d’Espagne, au port de Mers-el-Kebir, sur la côte d’Afrique. Le débarquement eut lieu dans la nuit. Au lever du jour, le cardinal descendit de son galion, revêtu de ses ornemens pontificaux, bénit l’armée rangée en bataille sur la plage, et parcourut les rangs, précédé d’un moine de son ordre qui portait devant lui sa croix archi-épiscopale. Il se retira ensuite dans la forteresse de Mers-el-Kebir, où il passa la journée en prières, pendant que l’armée marchait sur Oran, qui n’est qu’à une lieue de ce port. La cavalerie maure essaya vainement plusieurs fois de rompre les rangs des chrétiens en se jetant sur eux avec de grands cris ; elle fut reçue piques baissées et repoussée avec de grandes pertes. Arrivées devant Oran, les troupes chargèrent à leur tour avec impétuosité, pendant que le canon des vaisseaux foudroyait les murailles. Deux Maures et un juif, gagnés d’avance par Ximenès, ouvrirent une des portes ; les assaillans se répandirent dans la ville, et massacrèrent tout ce qu’ils