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Il porta une économie si bien entendue dans la perception de ses revenus, qu’il les augmenta dans une proportion considérable. Ce surcroît de richesse lui donna les moyens de se montrer de plus en plus magnifique dans ses dépenses. Il dota la ville et le diocèse de superbes établissemens qui existent encore ; le plus beau de tous fut l’université, dont il fut le fondateur. On sait que Ximenès avait commencé ses études à Alcala, près du lieu où il était né, mais il n’y avait pas alors d’université proprement dite à Alcala. Il résolut plus tard d’en établir une, et obtint en effet la bulle d’érection du pape Alexandre VI. Il y fit construire des bâtimens somptueux, et y attira par ses libéralités les principaux savans de l’Espagne. Son palais d’Alcala était son séjour de prédilection ; il y jouissait de la conversation des hommes célèbres qu’il y avait réunis, et prenait part lui-même à leurs études. On dit qu’il travailla activement à la fameuse Bible polyglotte qui porte son nom, et qui comprend le texte hébreu, la paraphrase chaldaïque, la version grecque des septante et la vulgate latine, ouvrage colossal pour le temps où il fut fait, et où les recherches étaient si difficiles et si dispendieuses.

Mais ce qui lui fit à juste titre le plus d’honneur, ce fut l’expédition qu’il dirigea en personne contre Oran. Il l’entreprit avec ses seules ressources, et la mena à bien sans aucun secours. Le roi Ferdinand était alors trop occupé de ses projets sur l’Italie et sur la Navarre, pour se jeter dans une nouvelle affaire ; il ne donna que son consentement. Ximenès équipa à ses frais une armée qui n’était pas la moindre de quatre mille chevaux et de dix mille hommes de pied, avec une flotte de quatre-vingts bâtimens de transport et de dix gros galions armés en guerre ; il appela auprès de lui, pour les mettre à la tête de ses troupes, deux des plus célèbres condottieri de ce siècle, Pierre de Navarre et Jérôme Vianelli, le premier qui avait commencé par être pirate, et qui avait servi successivement les Florentins et les Espagnols, le second qui, né à Venise, passait pour un des meilleurs marins sortis de cette puissante cité, et qui connaissait parfaitement tous les rivages de la Méditerranée. Le rendez-vous de l’armée fut fixé à Carthagène pour la fin de février 1509, et celui de la flotte à Malaga. L’hiver se passa en préparatifs, et au commencement du printemps tout était prêt.

Ximenès avait alors soixante-douze ans, mais il était encore si vigoureux, qu’il présida en personne à tous les préliminaires de l’expédition. Il passait des revues à cheval et surveillait de près les immenses détails d’une pareille organisation. Il rencontra des obs-