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bra pour annoncer l’occupation de Grenade. Le nom de Mendoza a été long-temps justement vénéré en Espagne, et si sa gloire s’est effacée pour la postérité dans celle du successeur qu’il s’est choisi, c’est que les oppresseurs des peuples ont toujours jeté plus d’éclat que leurs bienfaiteurs.

Dès l’arrivée de Ximenès à la cour, Isabelle voulut toujours l’avoir auprès d’elle. Partout où elle allait, elle lui faisait préparer un appartement auprès du sien. Mais lui, fidèle aux pratiques sévères qui avaient fait sa réputation, ne voulut jamais se relâcher, au milieu de la cour, de ses habitudes du cloître. Il n’occupait, hiver comme été, qu’une mauvaise chambre aux murailles nues, et où il n’y avait pour tous meubles qu’une table, une chaise et une paillasse. Il allait à pied dans tous ses voyages, vivant d’aumônes, accompagné d’un seul moine de son ordre, François Ruiz, qu’il avait pris pour compagnon, et dont il fit plus tard un évêque. Il ne souffrait jamais qu’on eût pour lui de soins particuliers. Si, contre sa défense, on lui servait dans les maisons de son ordre où il s’arrêtait quelque plat plus recherché qu’à l’ordinaire, il l’envoyait aux malades du lieu. Le spectacle d’une pareille sainteté agissait vivement sur l’imagination timorée de la reine, et Ximenès prit ainsi sur elle un ascendant illimité.

L’usage qu’il devait faire de cette influence se fit sentir surtout quand il fut nommé, deux ans après, provincial de son ordre. Les franciscains avaient depuis long-temps renoncé en Castille, comme ailleurs, à suivre les règles austères de leur institution. Éludant la loi qui leur défendait de rien posséder, plusieurs de leurs communautés avaient de riches domaines, de magnifiques maisons. Ceux qui en faisaient partie se nommaient conventuels, par opposition à ceux qui étaient restés plus soumis à la règle, et qu’on appelait observantins. Ximenès était de ces derniers ; il entreprit de réformer les abus et de ramener l’ordre tout entier à la sévérité qu’il pratiquait pour lui-même. À cette nouvelle, le soulèvement contre lui fut général dans les monastères. Après avoir vainement employé les exhortations, il fit usage de la force. Sur l’ordre de la reine, un couvent de Tolède fut assiégé en forme ; les moines, forcés d’en sortir, entonnèrent le psaume In exitu Israël, et se retirèrent en procession. Les efforts qui furent faits à cette occasion pour ébranler Ximenès dans l’esprit de la reine ne firent que consolider son crédit.

Il y avait trois ans à peine que Ximenès était confesseur d’Isabelle, quand le grand cardinal Mendoza, archevêque de Tolède,