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REVUE. — CHRONIQUE.

grand nombre de dupes, et entre les uns et les autres il est des hommes éclairés, délicats, qui ne veulent pas tromper et ne peuvent pas être trompés, mais qui n’ont pas le courage de rompre avec leur parti. Ils se sont fait un monde à part, c’est leur société, leur coterie. Il leur faut, bon gré, mal gré, en subir le despotisme. Tel qui affronterait gaiement les boulets du champ de bataille, tremble devant les bouderies et les sarcasmes d’un salon. Il est si peu d’hommes qui aient le courage de vivre en eux-mêmes et de couvrir les misères qui nous entourent de tout le mépris qu’elles méritent !

On prépare à la chambre des pairs une journée contre le 1er mars, à l’occasion de la loi sur les crédits supplémentaires de 1841. C’est la petite pièce après le grand drame des fortifications. Aussi les rôles ont été autrement distribués. C’est, dit-on, M. le ministre de la marine des trois jours, M. Charles Dupin, qui sera chargé du rapport. Nous verrons bien.

La chambre des députés a hâte de terminer ses affaires. Cette année encore, on verra messieurs les députés disparaître, et les portes du Palais-Bourbon se fermer, tandis qu’un grand nombre de lois et le budget tout entier seront encore en discussion au Luxembourg. Cette année encore, on donnera à entendre à la chambre des pairs que tout amendement, fût-il minime, rendrait l’administration impossible. Décidément, il y a quelque chose d’irrégulier dans le mouvement de notre machine politique. La chambre des pairs ne saurait se résigner sans abaissement. Les plaintes de plus en plus vives qu’elle fait entendre, prouvent que sa résignation aura un terme. C’est à l’administration qu’il appartient de trouver une meilleure distribution du travail entre les deux chambres ; car nous concevons parfaitement qu’il est impossible de retenir à Paris des députés qui depuis sept mois ont quitté leurs affaires et leurs familles, lorsque la chambre n’est plus occupée, et uniquement pour vider un amendement qui pourrait être voté au Luxembourg. Il est possible, facile même de distribuer les affaires de manière que les deux assemblées achèvent leurs travaux à peu près en même temps.

Des lois de la plus haute importance ne seront pas discutées cette année, entre autres celle sur l’instruction secondaire. Nous sommes loin de le regretter. C’est une question difficile, délicate. Il est bon que les débats extra-parlementaires la préparent et la mûrissent davantage. Rien de plus naturel que la diversité des avis sur un sujet si compliqué. Toute opinion sérieuse a le droit d’être examinée avec respect et bienveillance. Il n’en serait pas de même des opinions qui n’auraient d’autre mobile, d’autre raison d’être qu’un intérêt personnel ; de ces opinions qu’on prendrait et qu’on laisserait comme des moyens utiles pour une situation politique. L’avenir de nos enfans, de nos familles, de notre pays, ne doit servir d’expédient à personne. Si une politique ardente pouvait inspirer de si funestes conseils, la sévérité du blâme deviendrait un devoir.

Le ministère anglais vient de recevoir un échec en apparence très rude dans chambre des communes. Dans la question électorale de l’Irlande, un amendement repoussé par le cabinet vient d’être adopté à une majorité de