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REVUE MUSICALE.

Enfin, l’Opéra s’est décidé à sortir de l’inaction où les maîtres de la scène s’obstinent à le laisser languir depuis si long-temps. Après sept mois de travaux excessifs et d’efforts gigantesques, l’administration de l’Académie royale de Musique a mis au jour dans un accouchement des plus laborieux, un opéra en deux actes de M. Ambroise Thomas. On le voit, si jamais l’apologue de la montagne en mal d’enfant eut son application, à coup sûr c’est ici. N’importe, l’Opéra vient de donner signe de vie, au moins les pulsations se font encore sentir de loin en loin dans cet énorme corps ; vous disiez que c’était la mort, ce n’est que la léthargie ; attendez. Un opéra en deux actes, voilà certes qui va bien confondre la critique, et la commission des théâtres royaux ne manquera point de battre des mains en face d’aussi glorieux résultats ; d’autres diront peut-être que deux actes (deux actes de cette espèce) sont, après tout, fort peu de chose, que la pièce pourrait être meilleure et moins inconvenante, la musique plus originale. Pour nous, nous ne voyons en cette affaire qu’un précédent ingénieux et capable de porter les plus beaux fruits. En effet, il s’agissait de prouver que le concours des maîtres est ce qu’il y a au monde de moins nécessaire à un théâtre lyrique, et que, puisque MM. Meyerbeer, Auber et tant d’autres s’obstinent à refuser d’intervenir tant que durera ce régime, on peut à merveille se passer d’eux, tout comme on se passe de Mlle Loewe et de Mlle Pauline Garcia, de Taglioni et de Fanny Elssler. Le beau mérite, en vérité, d’attirer le public avec des chefs-d’œuvre et de grands artistes, avec Robert-le-Diable et Nourrit, les Huguenots et Mlle Falcon ! L’idéal d’une première scène vraiment royale, c’est de n’avoir ni musique ni sujets, et de faire, avec cela, salle comble. Sur le premier de ces deux points, nous avouons que l’administration actuelle de l’Opéra n’a pas le plus petit reproche à se faire ; reste maintenant le second.