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de l’Afrique et ne connaissait pas l’usage des villes et des maisons. Furius Camillus, proconsul d’Afrique, marcha contre lui et le vainquit. Depuis le sauveur de Rome, les Furius Camillus étaient restés obscurs. « Cette obscurité, dit Tacite, fit que Tibère loua volontiers Camille dans le sénat, qu’il lui fit accorder les insignes du triomphe et que même cette gloire ne lui coûta pas la vie. » Mais le propre de guerres d’Afrique, nous le savons, c’est que les victoires y sont inutiles. Tacfarinas, quoique vaincu, reparut bientôt, et évitant le combat, fuyant quand il était attaqué, attaquant quand les Romains rentraient dans leurs camps fortifiés, il prolongeait la guerre et les périls de l’Afrique. Il fallut envoyer de Rome des troupes et un général, et Tibère choisit Blesus, l’oncle de Séjan. Le succès justifia ce choix de faveur. Avant l’arrivée de Blesus en Afrique, Tacfarinas, enorgueilli de ses succès, avait osé proposer la paix à l’empereur en demandant des terres pour lui et pour ses troupes. Nous reconnaissons là la demande que feront plus tard les barbares du Nord, et voilà comment l’empire sera, pour ainsi dire disloqué et pénétré de tous côtés par les barbares avant d’être conquis. Blesus reçut de Tibère l’ordre de chercher à gagner les soldats de Tacfarinas par l’espoir du pardon ou des récompenses, mais de s’emparer du chef, à quelque prix que ce fût. J’aime cette colère de Tibère à l’idée de traiter avec Tacfarinas, et ce soin qu’il met à ne pas reconnaître en Afrique d’autre puissance que celle de Rome. Blesus fit la guerre dans cet esprit, et ce qui était de bonne politique fut aussi une bonne stratégique. L’art de Tacfarinas était d’éviter les batailles rangées, de partager son armée en petites bandes et de multiplier ses attaques. Blesus l’imita pour le vaincre. Il lui fit, si je puis ainsi parler, une guerre de gendarmerie ; il avait d’abord partagé son armée en trois corps ; il la partagea bientôt en petits détachemens, avec un centurion d’une valeur éprouvée à la tête de chaque détachement, et le pays fut couvert d’un réseau de soldats romains, qui rendit vaines toutes les ruses de Tacfarinas. Cependant Blesus ne prit pas Tacfarinas ; il retourna à Rome, et eut une statue couronnée de lauriers. « Mais, dit Tacite, il y avait déjà à Rome trois statues couronnées de lauriers en mémoire de nos victoires en Afrique, et cependant Tacfarinas ravageait encore la province. » Tibère, après le succès de Blesus, s’était attaché à faire croire que la guerre était finie ; il avait même rappelé une légion, et Dolabella, proconsul d’Afrique, n’avait pas osé la retenir, craignant moins les échecs d’une guerre que la colère du prince. Tacfarinas alors, profitant de cette faute, répandit partout que « l’empire romain était attaqué de toutes