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Les rédacteurs à la colonne sont fort peu rétribués ; ils ne sont plus tenus néanmoins, comme dans l’origine du journalisme écossais, de rendre au patron une foule de petits services en dehors de leur métier comme de montrer à lire à ses enfans, de nettoyer ses bottes, de panser son cheval. Écrire dans un journal, c’est, de nos jours, exercer une profession libérale.

Une des causes de la prospérité des journaux et des entreprises littéraires en Écosse, c’est que tout le monde sait lire ; c’est le pays de l’Europe où l’instruction primaire est le plus également et le plus généralement répartie. Suivant le recensement de 1831, la population de l’Écosse serait de 2,365,114 ames[1] ; dans ce nombre, il y avait environ 550,000 enfans au-dessous de quinze ans ; 200,000 d’entre eux fréquentaient les écoles ; les colléges, à eux seuls, renfermaient 5,000 étudians. Il ne faut donc pas s’étonner si en Écosse on trouve des livres et des journaux dans les chaumières les plus misérables.

Les voyageurs qui parcoururent l’Écosse dans le courant du dernier siècle, et Johnson entre autres, s’accordent pour vanter la politesse des Écossais, politesse que, de l’avis de ce dernier, on doit regarder comme une des vertus caractéristiques de la nation. Nous sommes tout-à-fait de l’avis de Johnson. On a dit, je ne sais trop à quel propos : fier comme un Écossais ; cette hauteur, qui résulte d’un amour-propre exalté et maladif, est plus rare en Écosse qu’à Londres, et la raideur (stiffness) y est moindre. Il y a certainement plus de bienveillance dans l’accueil, plus de prévenance dans les relations ordinaires de la vie à Édimbourg qu’à Londres, l’élégance y est moins glaciale, la politesse moins gourmée.

Si la politesse en Écosse n’a rien de hautain ni de contenu comme en Angleterre, elle n’est pas non plus familière à l’excès comme en

  1. Sur ces 2,365,114 habitans, 1,126,591 sont employés aux travaux de l’agriculture, 207,359 aux manufactures, métiers, fonderies, mines, etc., 168,451 vivent de leurs revenus ou de divers emplois non spécifiés. Le nombre des maisons habitées était de 369,393 en 1831, et la valeur de la propriété immobilière était estimée 6,652,655 livres sterl. Voici la marche ascendante de la population depuis 1755, et cela malgré l’émigration continuelle d’une partie des montagnards :

    1755. 1,255,663 habitans. 1811. 1,805,688 habitans.
    1791. 1,514,999 1821. 2,093,456
    1801. 1,599,068 1831. 2,365,114

    Nous ne serions pas étonné que la population, qui depuis quarante années s’est toujours accrue de 15 à 20 pour 100 tous les dix ans, montât aujourd’hui à 2,500,000 habitans.