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rituel faiseur de statistique[1] proclamait naguère que jamais on n’avait publié en Angleterre autant de livres qu’aujourd’hui. Il résultait de ses calculs, dont personne n’a contesté l’exactitude, que les libraires d’Édimbourg et de Londres, the book-manufacturing districts, disait-il, éditaient quotidiennement dix volumes, ce qui fait près de quatre mille volumes à l’année. Dans ces quatre mille volumes, les romans entraient pour près d’un quart, et, qui le croirait ? la poésie pour près d’un douzième ! Les livres spéciaux, les récits de voyage, les compositions historiques, les mémoires, et enfin les ouvrages de littérature proprement dite, complétaient ce chiffre énorme. Nous savons bien que dans cette dernière catégorie les essayists dominent : Charles Lamb, Hazlitt, Sidney Smith, Wilson et Gifford ont fait école chacun dans son genre, et s’il fallait citer les plus renommés des hommes d’imagination vive et d’esprit si varié qui marchent à leur suite, à commencer par l’étrange et fougueux Carlyle et à finir par M. Charles Dickens et lady Blessington, leurs noms seuls rempliraient des pages entières. Cette brillante et légère colonne traîne à sa suite de pesans bagages. Ce sont pour la seule Écosse les histoires érudites des Patrick Fraser Tytler, des Donald Gregory, des Fife et des Milman ; les lettres demi-savantes, demi-mystiques, du professeur Nichol sur l’architecture des cieux ; les travaux philosophiques des J. Hamilton et des Wilson, et enfin une foule d’ouvrages de statistique pittoresque ou de biographie critique, tels que les Highlanders, de M. Skene, l’Italie et les Italiens, de M. William Spalding, et les Mémoires de M. Lockhart sur la vie et les ouvrages de Walter Scott.

Les Highlanders et l’Italie sont des livres érudits, pleins de recherches curieuses, supérieurs à beaucoup d’ouvrages analogues, et qui n’ont qu’un défaut, capital il est vrai, de manquer de style, tout en visant à l’effet. M. Lockhart, dans ses mémoires sur Walter Scott, semble avoir voulu faire une sorte d’application du daguerréotype à la biographie littéraire. Dans cette longue étude, qui ne comporte pas moins de six gros volumes compacts, comme on les publie à Édimbourg et à Londres, les détails les plus minutieux, les lettres et les billets les plus insignifians sont enregistrés à leur date ; il n’est pas de particularité, si puérile qu’elle soit, qui ne trouve sa place dans cette diffuse publication, du moment qu’elle concerne l’auteur de Waverley et de Guy Mannering. On ne peut certes plus appeler Walter Scott le grand inconnu.

  1. M. Forbes.