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L’ÉCOSSE.

indépendans la plupart, et de professions libérales, médecins, légistes, professeurs et membres du parlement, résident non-seulement à Édimbourg, mais encore à Londres et dans toutes les parties du royaume uni. Quoique marchant sous un même étendard et adoptant certains principes généraux, ils ne font pas néanmoins le sacrifice absolu de leur individualité aux doctrines de la revue. Un esprit aussi ingénieux que celui de M. Macaulay, et aussi fécond que celui de MM. Pillans et Jameson, un caractère aussi entier que celui de lord Brougham, ne se plieraient pas aisément à la discipline écossaise. Si la grace manque quelquefois, l’indépendance et la variété la remplacent.

L’Edinburgh Review peut aujourd’hui se glorifier d’un succès de près de quarante années. L’arrivée au pouvoir du parti que ce recueil appuyait, a, dans ces derniers temps, comblé la mesure de ses prospérités et accru son immense influence. Cette influence balance à elle seule celle des trente recueils qui marchent à la suite du Quarterly Review, du Westminster Review, et des Magazines de Blackwood, Tait ou Fraser. Cette influence, que personne ne songerait aujourd’hui à mettre en doute, est regardée par quelques esprits chagrins comme funeste à la littérature. Une salutaire censure ne peut cependant qu’activer ses progrès. Ces détracteurs en conviennent ; aussi n’est-ce pas leur critique plus ou moins acerbe qu’on reproche à ces recueils, on les attaque comme accapareurs, comme tendant à absorber à leur profit toute la sève littéraire du pays et à remplacer les grands écrivains par les essayists. Les hommes d’un vrai talent, disent ces censeurs des revues, séduits par l’appât d’une gloire facile et prompte, par la certitude d’un bénéfice immédiat, résument en quelques pages tel sujet d’un grand intérêt qu’ils eussent dû développer dans un volume ; le public prend goût à ces rapides aperçus, et comme, dans la peinture, les esquisses et les aquarelles ont détrôné les grands tableaux, en littérature, les résumés et les essais prendront la place des compositions plus importantes, devenues désormais impossibles. Cette accusation est grave, mais elle n’est fondée qu’en partie ; nous croyons en effet que les grandes compositions didactiques et critiques seront plus rares que par le passé, mais les livres d’imagination, les poèmes, les romans, le drame, échapperont à l’action absorbante des revues, qui ne peuvent non plus faire entrer dans leur cadre, nécessairement restreint, les grandes compositions historiques et les travaux philosophiques d’une certaine portée.

Les faits viennent d’ailleurs combattre cette accusation. Un spi-