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elles ne sont profitables qu’à très peu de personnes, que ces hautes sinécures enrichissent aux dépens de la masse ; nous voulons parler de ces grands officiers de la couronne, maintenus quand la couronne n’existait plus. Ces grands officiers, au nombre de huit, perçoivent environ 20,000 livres sterling d’appointemens[1]. L’ordre du Chardon d’Écosse fut également maintenu. Il ne se compose que de douze chevaliers et du roi. Les chevaliers portent un cordon vert et une plaque décorée d’un chardon avec cette devise : Nemo me impune lacesset ; vulgairement : Qui s’y frotte s’y pique. Tous les chevaliers du Chadon doivent être pairs écossais.

L’Écosse est peut-être celle des provinces du royaume-uni où le savoir solide est aujourd’hui le plus universellement répandu. L’homme politique, le jurisconsulte, le manufacturier, le commerçant et le campagnard possèdent, chacun dans sa sphère, une somme de connaissances pratiques qu’en France les mêmes classes n’ont pu encore acquérir, l’initiation chez elles étant moins ancienne et les moyens d’expansion plus récemment et moins sagement mis en œuvre. L’Écosse est, ainsi que l’Angleterre, le pays pratique des lieux communs raisonnables en politique, en morale, en législation, en économie politique ou domestique.

On a dit avec raison des Français qu’ils valaient mieux que leurs discours ; on pourrait en dire autant des Écossais mais pour des raisons fort différentes. Si les Français sont moins légers que leurs paroles, souvent imprudentes, ne pourraient le faire croire, les Écossais sont moins lourds que leurs longs raisonnemens et leur pesante manière d’étudier les questions les plus frivoles en apparence ne pourraient le faire supposer.

Il est un fait que nous constaterons avec empressement, comme un bon exemple à suivre chez nous : c’est qu’en Écosse, comme en Angleterre, l’esprit de parti, tout passionné qu’il paraisse, ne marche qu’à la suite de l’intérêt national, qu’il ne fait jamais oublier. Quant à l’Irlandais, il a trop souffert pour avoir pardonné ; au besoin, il se servirait de l’épée de l’étranger pour briser le lien national, qu’il regarde comme une chaîne. L’Écossais n’aura jamais recours à ces moyens extrême. Au plus fort des troubles qui agitaient les districts du sud et de l’ouest de l’Écosse, au début de la réforme,

  1. Ces grands officiers de la couronne sont le garde-des-sceaux, recevant 3,000 livres d’appointemens ; le garde du sceau privé, 3,000 ; le lord registrar (enregistreur), 2,000 ; le lord vice-amiral, 1,000 ; le lord grand-justicier, 3,000 ; le président de la cour de session, 2,000 ; le chef de l’échiquier, 2,000 ; le lord avocat, 1,500.