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LE SALON.

que de rappeler des choses beaucoup mieux faites ailleurs, et de montrer ce que vaut en peinture un système quand il vient seul. Il en est de la Nausicaa de M. Galimard, pastiche de l’antique, de Raph. Mengs et de M. Ingres, mais où l’auteur a assez mis du sien pour conserver un incontestable droit à l’originalité.

On voit en face l’une de l’autre, dans la galerie de bois, la Telessilla de M. Jules Etex, et la Léda de M. Riesener. Nous préférerions le goût de la première, mais le talent de la seconde est séduisant, même dans son maniérisme. Le mariage de Léda avec le cygne ne fut qu’un mariage mystique, et c’est ainsi que l’a compris Michel-Ange ; mais M. Riesener est plus positif. La chaude et vive exécution de sa peinture ne rachète peut-être pas tout-à-fait cet inconvénient. Parmi nos oublis, nous joindrons ici, pour mémoire seulement, la Françoise de Rimini, de M. Decaisne, qui mérite les honneurs d’une lithographie ; la Bacchante, la Rêveuse, l’Odalisque, de M. Lépaulle, plus dignes encore de la même popularité ; et une scène de la Destruction d’Herculanum, par M. Simon Guérin, où nous avons cru remarquer un talent notable de composition et une certaine force d’invention dont il convient d’attendre quelque preuve plus décisive.

Paysages, marines, etc. — En déplorant précédemment l’extinction des traditions héroïques et religieuses, ces mères nourrices de la peinture, nous nous sommes demandé ce qu’il restait à l’art ; nous pouvons répondre ici qu’il lui reste la nature. Si les dieux s’en vont, en effet, la nature reste toujours belle, toujours jeune, éternel spectacle de beautés sans nombre pour les yeux, intarissable source d’impressions pour l’ame. Ce n’est qu’un pis-aller, mais il est encore d’un grand prix. Il y a là encore une poésie, un idéal, un art possibles. Il semblerait, du reste, qu’un secret instinct pousse maintenant nos artistes de ce côté. Les paysagistes se multiplient depuis quelques années, et, toutes choses égales d’ailleurs, le paysage est le genre où l’on réussit le mieux. Nous indiquerons ce point de vue ; mais gardons-nous de le discuter.

En considérant l’ensemble des ouvrages de ce genre, on les voit représenter assez nettement deux systèmes opposés, caractérisés par la prédominance du point de vue naturaliste, ou du point de vue idéal ou poétique. L’une se tient aussi près que possible de la réalité, qu’elle cherche à imiter, dans un sens strict, en la laissant responsable de l’effet produit ; l’autre la prend seulement pour base, et y ajoute des élémens empruntés à l’imagination dans l’intérêt d’une idée, d’une impression, d’une émotion quelconque. Cette dis-