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Laissons le lecteur juger du plus ou moins d’exactitude de cette étrange comparaison, nous envisagerons l’Écosse sous un point de vue plus sérieux. Si ses noirs rivages se profilent bizarrement sur la nappe bleue de l’Océan, cette contrée septentrionale n’en a pas moins une sorte d’austère magnificence qui lui est tout-à-fait propre. Ses montagnes incultes, couvertes de marécages et de vastes bruyères, revêtues çà et là de forêts de sapins, se colorent d’un azur sombre et violâtre ; à leurs pieds, dans l’intérieur du pays, des baies profondes et des lacs couleur d’ardoise prennent la place des vallées ; un ciel lourd et d’un gris plombé pèse sur leurs sommets arrondis ; une mer orageuse semée d’îles noires, et que labourent les vents puissans de l’Atlantique, les enveloppe d’une ceinture d’écume et ronge incessamment leurs bases décharnées. Cette nature sauvage est pleine de tristesse et de majesté. La nudité de ces montagnes, le petit nombre d’habitans qui vivent sur leurs pentes abruptes ou dans leurs vallons retirés, ce ciel même si rarement égayé par un beau jour, tout concourt à donner aux solitudes des Highlands cette mélancolique grandeur qui manque aux paysages de contrées plus favorisées de la nature ; c’est le calme et la sublimité du désert, c’est la solennité de la mort.

Tel est l’aspect des cantons montagneux du centre et du nord de l’Écosse ; les plaines entrecoupées de collines qui s’étendent des montagnes bleues aux Cheviot-Hills et au golfe de Solway, frontières du pays vers le sud, ont une physionomie moins tranchée ; si la population des campagnes était plus considérable, l’étranger qui les parcourt pourrait se croire encore en Angleterre ; mais ces districts méridionaux de l’Écosse, non plus que le reste du pays, ne sont pas peuplés en raison de leur étendue. L’Écosse, dont la superficie égale la moitié de celle de l’Angleterre, a sept fois moins d’habitans ; des dix-neuf millions d’acres de terre que renferment ses limites, quatre millions à peine sont cultivés.

Depuis le commencement du siècle, mais particulièrement depuis la grande révolution littéraire préparée par les critiques écossais et accomplie par Walter Scott, révolution qui a jeté tant d’éclat sur cette petite contrée, on s’est beaucoup occupé de l’Écosse ; on a parcouru ses montagnes, on s’est arrêté dans ses villes, on a étudié les mœurs des habitans. Les Écossais eux-mêmes ont reporté un œil curieux sur leur pays ; ils ont consulté les traditions de leurs ancêtres, interrogé leurs usages, fouillé leurs archives, étudié leurs penchans. Ils se sont jugés, et, comme on l’imagine aisément, ce