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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

rajeunis ou d’une création neuve et spontanée (car il y a de tout cela dans l’histoire des communes), quelle admirable variété d’inventions, de moyens, de précautions, d’expédiens politiques ! Si quelque chose peut faire éclater la puissance de l’esprit français, c’est la prodigieuse activité des combinaisons sociales, qui, durant quatre siècles, du XIIe au XVIe, n’a cessé de s’exercer pour créer, perfectionner, modifier, réformer partout les gouvernemens municipaux, passant du simple au complexe, de l’aristocratie à la démocratie, ou marchant en sens contraire, selon le besoin des circonstances et le mouvement de l’opinion. Voilà quel spectacle digne d’intérêt et de méditation m’ont présenté les deux mille pièces ou sommaires de pièces authentiques dont j’ai déjà pris connaissance[1]… »

Mais, comme on le pense bien, le triage et le classement méthodique des pièces de cette vaste collection, où l’art ne peut entrer que pour peu de chose, ne suffisaient pas aux besoins d’une pensée et d’une imagination aussi actives que celles de M. Thierry. Il entreprit donc parallèlement un autre travail, dont il a terminé et publié, l’année dernière, la première moitié. Je veux parler des deux volumes intitulés Récits des temps mérovingiens, livre de science et de style, le plus achevé, suivant moi, qui soit sorti de cette plume si habile, et qui a reçu des mains de l’Académie française la couronne historique que le legs de M. le baron Gobert a autorisé cette compagnie à décerner.

Ce dernier ouvrage se compose de deux sections bien distinctes. La première, qui remplit presque un volume, consiste en de nouvelles Considérations sur nos origines sociales ; la seconde contient six Récits ou épisodes, destinés à faire revivre la Gaule du VIe siècle.

Il ne s’agit point ici, comme on voit, de la première invasion ni de la fougueuse arrivée des conquérans germains sur notre sol. Cette peinture, après M. de Châteaubriand[2], n’était plus à faire, et M. Thierry lui-même a raconté ailleurs plusieurs des scènes les plus caractéristiques de cette terrible collision[3]. Ce qu’il veut peindre dans ces Récits, c’est la seconde période de la conquête franque, celle où commence une sorte d’échange de mœurs ou plutôt de vices entre les deux races ; c’est ce moment de civilisation indécise et complexe

  1. Voy. le Rapport du 10 mars 1837.
  2. Voy. les Martyrs, livres VI et VII, et les Études historiques, étude sixième, Mœurs des barbares.
  3. Voy. les Lettres sur l’histoire de France, lettres VI, VII et VIII.