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et, en quelque sorte, révolutionnaire des lettres adressées en 1820 au Courrier Français, que leur partie scientifique et positive, que M. Thierry se proposa d’étendre et de perfectionner. Ses études, de plus en plus solides, sur l’histoire des deux dynasties franques, et son talent de narration, accru encore et assoupli par la pratique, lui permirent de faire de ses douze premières lettres la meilleure et la plus savante introduction à la véritable histoire de France, à cette histoire qui ne commence à mériter ce nom qu’à l’avènement de la troisième race. Dans les treize autres lettres qui paraissaient pour la première fois dans ce volume de 1827, l’affranchissement des communes, ce problème qui préoccupait M. Thierry depuis 1817, est traité ex professo, avec calme et gravité, bien qu’avec une passion qui, pour être contenue, n’en est pas moins profonde. Trois grands récits de révolutions communales, l’insurrection de Laon, celle de Reims, celle de Vézelay, sont, indépendamment de leur extrême importance historique, des chefs-d’œuvre de narration, comparables, sinon supérieurs, aux plus belles pages qu’ait laissées en ce genre l’auteur des Puritains d’Écosse et de la Prison d’Édimbourg. Dès l’année suivante (1828), la réimpression de ces lettres, qui comptent aujourd’hui six éditons, permit à l’auteur de se livrer à un nouvel et complet remaniement de son ouvrage.

De si grands travaux recommandaient leur auteur à l’estime et à la reconnaissance publiques. Presque aussitôt après la publication de l’Histoire de la Conquête de l’Angleterre par les Normands, le gouvernement du roi Charles X s’honora en prenant, en faveur du jeune historien, l’initiative d’une rémunération qui fut approuvée de tous. Au commencement de 1830, la classe d’histoire de l’institut (l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres) appela M. Thierry, dont les souffrances s’étaient aggravées et qui vivait retiré depuis 1828 dans une ville de province, à une place de membre titulaire vacante dans son sein. Après la révolution de juillet, il fut attaché, quoique absent, à la maison du jeune duc d’Orléans par un titre littéraire. Enfin, en 1831, et ce n’est pas ce qui dut lui être le moins sensible, il fut loué presque sans réserve dans le dernier chef-d’œuvre imprimé de M. de Châteaubriand, dans la préface des Études historiques.

M. Augustin Thierry signale l’année 1829 comme ayant été la fin de sa carrière d’activité et de jeunesse, et le commencement d’une carrière nouvelle, où il regrette de ne pouvoir avancer que d’une marche beaucoup plus lente. Quant à moi, si je ne me trompe, cette seconde carrière qui, après un temps d’arrêt, s’est rouverte avec