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HISTORIENS MODERNES DE LA FRANCE.

bien cher. » Cette main, cette voix, cette amitié qui lui vinrent en aide dans ce moment critique, c’étaient celles d’un jeune homme alors obscur, connu seulement par un Résumé de l’Histoire d’Écosse, auquel M. Thierry avait mis quelques pages d’introduction. Ce jeune homme devait, lui aussi, se faire bientôt un nom illustre comme historien de la Contre-révolution en Angleterre sous Charles II et Jacques II, et comme écrivain politique de premier ordre. C’était Armand Carrel, ce champion si pur et si éloquent de l’honneur national, que nous avons vu si chevaleresquement démocrate, et qui succomba peut-être sous le poids des chagrins politiques autant que sous la balle d’un accidentel adversaire.

Un projet de publication qui, malgré un commencement d’exécution, est demeuré à l’état de projet, fut alors sur le point de réunir dans un même travail deux hommes également éminens, quoique d’un esprit fort dissemblable. M. Thierry et M. Mignet s’associèrent pour la mise en œuvre d’une pensée commune. Il s’agissait d’extraire du texte des chroniques et des mémoires contemporains un récit continu d’histoire de France. M. Thierry rédigea un premier volume ; mais les difficultés que présentait cette entreprise étaient, sans doute, insurmontables, puisqu’elles découragèrent deux esprits aussi fermes et aussi clairvoyans.

Forcé de choisir un autre sujet d’ouvrage, M. Thierry songea à étendre, à corriger, à compléter les Lettres sur l’Histoire de France qu’il avait adressées autrefois au Courrier Français. Mais, depuis que M. Thierry avait commencé à prêcher la réforme historique, cette révolution s’était à peu près accomplie. D’une part MM. Guizot, Sismondi, de Barante, d’une autre MM. Thiers et Mignet, avaient ou achevé ou commencé de publier leurs grands travaux. M. Trognon avait, dans deux ingénieux essais[1], tenté de faire revivre les parties les plus effacées de l’époque mérovingienne ; M. Michelet avait traduit la Science nouvelle de Vico, et préludait déjà, dans une remarquable préface, à l’histoire idéaliste. M. Monteil venait de faire paraître les premiers volumes de son Histoire des Français des divers états ; M. Amédée Thierry, émule de son frère, mettait sous presse son Histoire des Gaulois. Ce fut donc bien moins la partie polémique

  1. Ces deux morceaux ont été réunis sous le titre suivant : Manuscrit de l’ancienne abbaye de Saint-Julien à Brioude ; Histoire du Franc Harderard et de la vierge Aurelia, légende du VIIe siècle, et le Livre des Gestes du roi Childebert III, chronique du VIIIe siècle, retrouvées et traduites par un amateur d’antiquités françaises. Paris, Brière, 1824, 2 vol. in-12.