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produire des résultats heureux et indubitablement profitables tandis qu’il y aurait eu peut-être quelque témérité à prédire pareil avenir à la réforme poétique. La réussite pour celle-ci était possible, comme l’évènement l’a prouvé à plusieurs égards, mais elle était moins certaine ; les chutes dans cette voie risquaient d’être sans compensations ; le succès, même en partie atteint, devait être long-temps contestable. De plus, il était difficile qu’avec un but complexe l’école poétique ne fît pas quelquefois fausse route. C’est ainsi que trop influencée, pendant un certain temps, par la popularité acquise aux procédés de l’école historique, elle se passionna pour le vrai, à l’exclusion du beau ; et, dans cette recherche exagérée de la vérité à tout prix, elle rencontra la laideur beaucoup plus souvent que la beauté. De là, comme on sait, certains écarts notables, que de plus heureuses et plus pures créations n’ont pas complètement amnistiés.

Aujourd’hui que vingt ans nous séparent de nos juvéniles élans de réforme et, comme nous disions alors, de notre 14 juillet littéraire, il semble qu’il soit temps de constater les progrès accomplis, d’enregistrer les solutions définitivement acquises, de glorifier les chefs de cette généreuse croisade, surtout de rattacher respectueusement les conquêtes récentes aux grands résultats précédemment obtenus par les générations antérieures, générations studieuses et glorieuses aussi, dont on oublie trop les services dans la première ardeur des réformes.

Mais dresser un pareil bilan, ce ne serait rien moins qu’écrire l’histoire littéraire de la première moitié du XIXe siècle. Une plume dont tout le monde reconnaît l’autorité en matière de goût (un pinceau plein de finesse et d’éclat, devrais-je dire), a commencé dans cette Revue et a fort avancé la première partie de cette tâche, en composant une série de portraits consacrés à nos principaux poètes et romanciers. Il y aurait, si je ne me trompe, une série analogue à faire de nos principaux historiens. J’émets ce vœu avec l’espoir que de plus habiles et de plus compétens que moi l’entendront et l’accompliront. Sans doute, les difficultés d’une pareille œuvre seraient très grandes : il faudrait, dans la communauté d’instincts, de tendance et de but, qui a présidé au rajeunissement de toutes les branches de notre histoire, distinguer soigneusement les diversités d’esprit, de méthode et de manière. Quand on aurait bien établi ce qui forme le fonds commun, et, pour ainsi dire, le capital social de la nouvelle école historique, il faudrait tenir compte de chaque apport particulier, et s’appliquer à mettre en saillie chaque physionomie individuelle ; il