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génie des deux langues. Son poème témoigne de la même facilité en quelque sorte cosmopolite. On y sent continuellement le voyageur qui adopte toutes les façons, toutes les modes des pays qu’il a visités. Il ne repousse aucun genre, admet toutes les formes, choisit dans toutes les littératures, et choisit avec discernement. Tour à tour on le verra caustique avec Voltaire, moqueur misanthrope avec Goethe, antiquaire avec Walter Scott ; je le soupçonne cependant d’une préférence marquée pour l’Arioste. Quelque habiles que soient les imitations de M. Maury, disons mieux, quelque bonheur qu’il ait à s’inspirer ainsi des génies les plus variés, on regrette parfois de ne pas trouver dans son poème une allure plus décidée et plus personnelle. Ce qu’il faut avant tout aujourd’hui, c’est du nouveau, de l’imprévu. Le lecteur, et le lecteur français surtout, blâmera peut-être encore ces continuelles transitions du plaisant au sévère, ces épisodes accumulés au travers de l’action principale, qui souvent la font perdre de vue. Les Espagnols se complaisent aux détails, et comme les Arabes, dont ils tiennent plus d’un trait de famille, aiment les contes qui s’enchevêtrent les uns les autres, et qui ne finissent point. Le comte d’Espagne et Mina, tous les deux de redoutable mémoire, n’auraient peut-être pendu personne, si leurs patiens avaient eu, comme la sultane Scheherazade, des histoires interminables à raconter. M. Maury excelle dans ce genre, et l’on conçoit qu’il n’ait pu prendre sur lui de supprimer la moitié de ces jolis cuentos qu’il conte si bien. L’admirable langue espagnole se prête merveilleusement à ces petits récits, et toute sa grace, toute sa richesse, se révèlent sous la plume de M. Maury. J’aurai un reproche plus sérieux à lui adresser, c’est au sujet du genre de merveilleux qu’il a adopté dans son poème. Ce merveilleux s’explique par les sciences naturelles, et, bien que la scène soit au moyen-âge, l’héroïne a toutes les connaissances d’un académicien de l’académie des sciences. Je ne sais, mais il me semble que l’esprit humain se prête plus facilement à admettre des prodiges que des imputabilités, et pour ma part, je croirais plutôt à un hippogriffe qu’à un ballon dans le XIVe siècle.


M. X. Marmier a réuni en un volume intitulé Souvenirs de Voyages et Traditions populaires plusieurs récits où la physionomie de l’Allemagne et de quelques contrées du Nord est retracée avec bonheur. L’auteur n’a voulu nous offrir que le côté le plus riant des pays qu’il a visités, l’aspect de la nature et les traditions naïves. Ce livre, où la légende côtoie sans cesse le paysage, est en quelque sorte un agréable complément des études plus sérieuses que M. Marmier a déjà consacrées aux mœurs et à la poésie de l’Allemagne et de la Suède.


V. de Mars.