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La Prusse lui a donné un vif sujet d’inquiétude par son association des douanes allemandes. Était-ce là dès le principe une conception à la fois financière, industrielle et politique ? Ses auteurs pensaient-ils à autre chose qu’aux douanes ? Nous l’ignorons. Les agens prussiens se défendaient de toute arrière-pensée politique. S’il y en avait une, il aurait été stupide de l’avouer. Toujours est-il qu’un effet politique ne pouvait pas ne pas être produit par ce congrès financier, mais national, mettant en commun les intérêts les plus vivaces du pays, les discutant périodiquement, le tout sous l’influence et la direction suprême de la Prusse.

L’association allemande, renouvelée, perfectionnée, étend de plus en plus ses limites. Brunswick, qui formait avec le Hanovre une association à part, se détache de son associé et paraît définitivement se réunir à la grande association.

Bientôt d’autres influences prussiennes se feront sentir en Allemagne. La Prusse est un des pays les mieux administrés de l’Europe. Tout y est en progrès. Tous les efforts de l’esprit humain y sont largement protégés. L’enseignement public y est puissant et y jouit d’une liberté dont pourrait s’étonner plus d’un pays constitutionnel.

Dans l’ordre politique, la Prusse a été dotée d’un excellent système communal. Elle le doit à un homme d’un grand talent, à un aristocrate éclairé et généreux, à celui dont l’inimitié passionnée contre la France, ou à mieux dire contre l’empereur, ne doit pas nous faire méconnaître le bien qu’il a fait à son pays, au baron de Stein. La commune est, en Prusse, un principe de vie actif et fécond C’est de là que sortiront peu à peu les libertés prussiennes.

Les promesses faites au peuple prussien au jour du malheur, et lorsqu’on lui demandait de gigantesques efforts, n’ont pas été tenues. La Prusse avait pardonné cet oubli à son vieux roi. Il avait tant souffert avec elle, il était si honnête homme et un ami si sincère du peuple, qu’on ne voulait pas affliger ses vieux jours. On se contenta des états provinciaux.

Le roi actuel, dit-on, n’est pas éloigné de reprendre en sous-œuvre les idées qui paraissaient abandonnées. Il aime la gloire et il est l’élève éclairé d’une école qui ne conçoit peut-être pas la liberté et les institutions qui la garantissent comme nous les concevons, mais qui les conçoit cependant à sa manière, qui les aime et les désire. Le roi de Prusse appartient à l’école historique. Il ne sera donc nullement disposé à importer chez lui, d’une seule pièce, la constitution anglaise, la chambre française, ou telle autre institution étrangère à la Prusse, à ses antécédens, et à ses mœurs. Mais il doit être enclin à tirer des faits nationaux, des élémens historiques de la Prusse, tout ce qu’ils renferment de libéral, de généreux, de propre à garantir le développement d’une sage liberté.

C’est là une grande et noble carrière à parcourir. Ce ne sont pas les conquêtes de Frédéric-le-Grand, les efforts persévérans et la noble résignation de Frédéric-Guillaume. C’est peut-être mieux. C’est l’organisation désintéressée d’un peuple intelligent et reconnaissant ; c’est un grand exemple qui lui don-