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qui, par le cours naturel des choses, s’aggraverait très rapidement, s’il était négligé. Nous avons peine à croire que l’équilibre de nos budgets ordinaires puisse être promptement rétabli par l’accroissement progressif des recettes, lors même que les dépenses de la marine et de la guerre seraient ramenées aux proportions d’un effectif de quatre cent mille hommes. Si on ne demande rien de plus à l’impôt, et que les dépenses ordinaires restent ce qu’elles sont, il y aura toujours un déficit annuel de 50 à 60 millions. C’est là la lacune qu’il importe de combler sans retard. Annuler une portion des rentes de l’amortissement, diminuer cette puissante ressource, serait une opération dangereuse, téméraire peut-être, dans un moment où l’état fait un appel au crédit public. On ne tardera pas à reconnaître qu’en définitive il faut retrancher quelque chose aux dépenses, ou demander quelque chose de plus à l’impôt. Le point capital est de bien choisir l’impôt à établir ou à augmenter. Quel que soit l’embarras momentané du trésor, la prospérité du pays est croissante ; nos communications maritimes et terrestres devenant de jour en jour plus actives, l’industrie et le commerce en profiteront, et le capital national augmentera en proportion. Il ne faut donc pas s’effrayer d’une légère augmentation de quelques impôts. La consommation des classes riches, aisées, peut, sans inconvénient politique, fournir au trésor le supplément de revenus qui lui est nécessaire. D’un autre côté, qu’on facilite une fois l’introduction de certaines denrées par un abaissement des droits, par exemple sur les bestiaux et sur les sucres ; qu’on excite ainsi une consommation utile au pays, et les caisses du trésor se rempliront. Une révision de nos lois de douanes, qui serait faite, non dans le but de protéger tels ou tels intérêts particuliers, mais dans l’intérêt général, donnerait au trésor plus de ressources qu’il ne lui en faut pour rétablir l’équilibre dans ses budgets. Mais les intérêts particuliers sont criards, et la routine est puissante !

M. le ministre des finances a présenté un projet de loi pour assurer la perception des droits de timbre. Le but de la loi est excellent ; rien de plus juste que de faire cesser une exemption illégale qui est un véritable scandale. Le moyen proposé paraît cependant quelque peu sauvage. C’est par trop confondre le droit avec la preuve, l’obligation avec le titre. Dans nos campagnes surtout, cela peut donner lieu à de funestes résultats. Sans doute par de hautes considérations d’ordre public, la loi écrite se trouve quelquefois couvrir de son égide l’immoralité de certains faits particuliers ; mais peut-on adopter ce parti extrême pour faire rentrer dans le trésor quelques écus ?

Indépendamment des amendes, ne pourrait-on pas déclarer que toute obligation commerciale qui ne serait pas sur papier timbré ne vaudrait, pour tous ses effets, que comme une simple obligation civile ? qu’elle n’entraînerait ni la compétence des tribunaux de commerce, ni la contrainte par corps, ni la faillite, et ainsi de suite ?

Ne serait-il pas plus simple encore de demander au commerce directement par une augmentation du droit de patente, ce qu’il enlève au trésor en ne faisant pas usage de papier timbré ?