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REVUE DES DEUX MONDES.

Si fort avant sous terre, et c’est sa large main
Qui tailla dans le vif tes pierres immortelles,
Les mit l’une sur l’autre, et les unit entre elles
Par un ciment plus fort que le ciment romain.

Frères, rassurez-vous ; frères, prenez courage ;
Non, tout n’est pas perdu ; non, par le grand orage
Qui menace aujourd’hui la planète de mort,
Tout n’est pas emporté par la barque en dérive ;
Et dans l’ombre et les vents une lumière vive
Comme un phare sauveur peut vous montrer le port.

Rassurez-vous, il est, dans la chaleur ardente
Qui brûle de nos jours la terre palpitante,
Un pilier à l’abri duquel on peut s’asseoir,
Un sanctuaire ombreux, un refuge tranquille
Où le calme de l’ame et le bonheur facile
Peuvent vous rafraîchir comme les vents du soir.

En vain l’œil rutilant, et la face rougie,
Les nymphes du plaisir et les dieux de l’orgie
Hurleront, bondiront autour du saint autel :
Avant que son sommet ne s’écroule et ne tombe,
Les pieds froids des danseurs descendront dans la tombe,
Et leurs cris monstrueux se perdront sous le ciel.

En vain les charlatans de l’auguste pensée,
Sophistes et rhéteurs, de leur langue insensée
Viendront contre sa base appliquer le marteau :
La pierre inaltérable et plus forte et plus dure
Ebrèchera leur langue, et de leur langue impure
Mettra comme un haillon le sophisme en lambeau.

Rapprochons-nous donc tous du monument sublime ;
D’un élan mutuel, d’un concert unanime
Alimentons sur lui le foyer de l’amour ;
Le feu, qui tant de fois sembla près de s’éteindre,
Doit renaître plus vif et peut-être se teindre
D’aussi pures couleurs que les rayons du jour.