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REVUE DES DEUX MONDES.

— Que faites-vous ici ? leur dit-elle ; vous êtes des brigands. Remontez à cheval, et allez à la ville sur-le-champ.

— Passez votre chemin, répondit le chef de ces spadassins, nous avons affaire ici.

— Je sais ce que c’est, reprit Jacqueline ; vous venez pour tuer M. de La Guette, mais vous ne le tenez point ; je suis sa mère !

— Nous vous connaissons ; vous êtes une vaillante. Mais puisque vous savez de quoi il s’agit, vous devinez bien, madame, que nous avons reçu de l’argent ; il nous faudrait le rendre, et cela ne fait pas notre compte. Donnez-nous parole, sur l’honneur, de nous payer cent pistoles demain matin, et nous partons à la minute. Le marché vous plaît-il ?

Les craintes et la tendresse maternelle ne purent étouffer ni la vivacité du sang ni l’humeur guerrière de notre amazone.

— Je n’entre pas en marché avec des canailles de votre espèce, dit-elle.

— Songez que nous sommes trois contre vous.

— Prétendez-vous m’effrayer ? Mes gens sont là-bas, et je n’ai qu’à tirer ce pistolet pour les voir accourir.

— Allons-nous-en, disaient les deux spadassins.

— Un moment ! reprit le chef. Combien avez-vous de laquais avec vous ?

— Deux seulement, mais qui en valent six comme vous autres coquins.

— Voilà où gît l’erreur. Nous ne sommes pas de ces vauriens qui volent l’argent du monde en manquant leurs coups ; nous tenons à le bien gagner, et pour preuve, nous ferons aujourd’hui double besogne en vous tuant d’abord, et votre fils après. Quant aux laquais, ce sont des poltrons.

Le bandit ajouta quelques mots dans une langue étrangère, que Mme de La Guette n’entendait point. Elle comprit que ces gens s’apprêtaient à l’attaquer. Une autre qu’elle eût pris la fuite sans scrupule et sans honte ; mais les instincts de nature triomphèrent encore une fois dans cette personne courageuse. Jacqueline prévint les brigands, en lâchant un coup de pistolet dans le groupe ; elle en blessa un à la main gauche. Alors ces trois coquins se jetèrent sur elle et la prirent en même temps de trois côtés. Notre héroïne maniait aussi admirablement le cheval que l’épée ; elle renversa un des bandits sur le dos, avec le poitrail de sa monture, et fit tant de volte-faces, que les autres n’osaient plus approcher. Cependant l’un d’eux courut