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Mme DE LA GUETTE.

I.

Il y avait en 1612 un gentilhomme d’un âge déjà mûr, qui était une vraie figure de ce temps-là : barbe rousse, moustaches longues, visage maigre, la peau comme du parchemin, l’œil rond, petit et flamboyant, le justaucorps de buffle, les bottes en toute saison, et la rapière à l’ancienne mode. Il avait vu plus de vingt batailles, et son corps s’était desséché, en plein vent, au service du roi ; il était dur et violent, il se serait fait hacher plutôt que de changer d’opinion sur quoi que ce fût, et levait à tout propos la canne sur ses valets ; il se nommait Meurdrac. À quarante-cinq ans, sa constitution étant ruinée par les rhumatismes, il quitta l’armée, et se retira en Brie, près de Gros-Bois, où demeurait le vieux duc d’Angoulême, à qui il avait long-temps appartenu. Ce duc d’Angoulême était le fameux bâtard de Charles IX et de Marie Touchet, dont on a dit qu’il eût été l’un des plus grands hommes de son temps, s’il eût pu se défaire de l’habitude de voler et de fabriquer de la fausse monnaie.

Meurdrac se fit bâtir à Mandres, près de Gros-Bois, une bicoque avec tourelles et grenouillères, qu’il appela son château, et quand il y eut mis des meubles, il voulut aussi avoir une femme ; on lui trouva une demoiselle de Paris, âgée de vingt-cinq ans, jolie, bonne et douce.