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soin de faire ressortir les désavantages évidens de la nouvelle délimitation du territoire ; il s’arma avec adresse de l’unanimité des sentimens à ce sujet, et fit envoyer une protestation, formelle sur ce point, au prince Léopold, de sorte que le nouveau souverain, qui s’attendait à une adresse de félicitations reçut, au contraire, un témoignage imposant du mécontentement public, manifestation peu faite pour lui rendre agréable la couronne qu’on lui offrait. Embarrassé sur la manière dont il devait agir, il crut ne pouvoir mieux faire que de s’adresser à M. Capodistrias, qu’il avait connu dans d’autres temps, et il lui demanda ses conseils. Le président s’empressa, bien entendu, de lui présenter le tableau le plus triste et le plus rembruni de la situation et du pays. Il lui confia toutes les intrigues de ce qu’il nommait les oligarques ; il lui dénonça ces hommes comme des misérables habitués à l’emploi des moyens les plus déshonorans pour s’enrichir et pour dominer ; enfin il exagéra beaucoup l’importance du débat relatif aux frontières, débat qui pouvait être et qui en effet fut ensuite terminé à l’amiable.

Le prince Léopold renonça sans hésiter à un trône si dangereux. Si du moins les adresses que signait le peuple de tous côtés avaient protesté contre les assertions de M. Capodistrias ! Mais toutes les mesures avaient été bien prises, et, sous le prétexte que de telles pièces ne pouvaient avoir cours sans être revêtues d’un caractère légal, cette manifestation de l’opinion publique fut supprimée. À ces adresses on substitua des formules qui témoignaient de la confiance et de l’amour dont les Hellènes entouraient le président, et ces pièces, envoyées à la conférence de Poros, furent un nouveau texte contre les primats, qui, disait-on, cherchaient à détruire les excellentes dispositions du peuple. Les plénipotentiaires, en plaçant sous les yeux de leurs cours de pareils documens, furent trompés ou fermèrent les yeux ; on ne croit pas qu’ils aient accordé la moindre attention aux réclamations imposantes, bien que pacifiques encore, d’hommes tels que Mavrocordato, Miaulis, Tricoupi et Church. Au reste, un décret venait de payer les services de Church en l’exilant de la Grèce.

L’abdication du prince Léopold mit fin à la longue patience des patriotes. Ils se réunirent, se communiquèrent leurs griefs, et se concertèrent sur les moyens de briser un si dur esclavage. M. Mavrocordato penchait pour l’emploi des mesures violentes, M. Colettis n’acceptait qu’une résistance légale et conseillait d’attendre le futur congrès. La révolution de juillet éclata, et son contre-coup termina toutes les hésitations. Les chefs, se retirant à Hydra, donnèrent le signal d’une résistance ouverte au gouvernement de M. Capodistrias : M. Colettis resta seul à Nauplie.

Un journal, représentant l’opinion des dissidens, fut fondé dans cette ville par M. Antoniadis, sous le titre de l’Aurore. Cette feuille hebdomadaire, arrivée à sa huitième livraison, fut brusquement supprimée, et le rédacteur emprisonné. Un autre dissident, M. Polyzoïdès, annonça un second journal qui devait porter le nom d’Apollon. À peine le prospectus avait-il paru, que M. Axiotis, gouverneur civil de Nauplie, se rendit chez M. Polyzoïdès et l’invita à ne pas aller plus loin, par égard, disait le magistrat, pour les sus-