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CAPODISTRIAS.

aperçurent-elles le réseau dont on les enveloppait, qu’elles trompèrent l’espion, opposèrent ruse à ruse, et furent beaucoup mieux servies que le président. Un agent de la police se mettait-il en campagne, il était aussitôt reconnu, traqué, surveillé lui-même, et joué par des confrères plus habiles.

Nous avons dit que sir Richard Church et le général Démétrius Ypsilantis avaient été promus au commandement des forces grecques ; cet acte de justice fut bientôt gâté : on les soumit à un chef, et quel chef ? au comte Augustin, qui de sa vie n’avait vu brûler une amorce. La stupéfaction fut générale quand son frère l’eut élevé à ce poste sous le titre de lieutenant-plénipotentiaire. La première mission de ce généralissime fut d’organiser de nouvelles chiliarchies. Il ne fut pas heureux dans son essai. À peine arrivé il vit éclater la rébellion du chiliarque Hadji-Petro, rébellion qui, malgré le mécontentement à peu près général, fut cependant désapprouvée par tous les bons esprits, tant on voulait la paix, tant on soupirait après la légalité. D’ailleurs une occasion se présentait de faire entendre des plaintes. L’assemblée nationale venait d’être convoquée à Argos ; c’était la quatrième fois qu’elle se trouvait réunie depuis 1821.

Les tentatives du président pour dominer les élections n’avaient pas eu grand succès ; le parti de l’opposition était plus fort qu’on ne l’aurait souhaité. M. Capodistrias avait réussi, il est vrai, à se faire nommer député par plusieurs conseils municipaux, honneur qu’il avait dû refuser ; il voyait aussi siéger, en nombre assez notable, les partisans dévoués dont il avait assuré à grand’peine l’entrée dans la chambre. Néanmoins il trouvait dans une imposante partie de l’assemblée une hostilité inquiétante, et la réprobation complète des actes qui avaient signalé son gouvernement depuis le mois de janvier 1828 : on était au mois de juillet 1829. Pour détourner l’orage, il s’aboucha avec le coryphée de l’opposition et lui dit : « Vous blâmez, je le sais, la marche que j’ai cru devoir suivre ; vous vous préparez à m’attaquer, mais, avant de le faire, examinez bien notre position. Que vous, constitutionnels, vous réussissiez à me renverser, les cabinets vous abandonneront, et les troupes françaises seront rappelées ; si, au contraire, je l’emporte, les libéraux européens cesseront de s’intéresser à la Grèce, et leur argent et leurs déclamations, souvent utiles, manqueront désormais au pays. Pour éviter l’un ou l’autre de ces malheurs, attendons, avant d’entamer des discussions si dangereuses, que notre position se soit améliorée, et rejetons toute explication dans l’avenir. »

L’argumentation de M. Capodistrias était sans réplique. L’opposition, baissa la tête et se tut ; les amis du président proclamèrent hautement leur victoire, et déclarèrent que le gouvernement était adoré de la Grèce. Après le triomphe vinrent les avantages réels ; le panhellénium, cependant si commode, fut dissous, et par le décret du 22 juillet (vieux style) 1829, on créa un sénat de vingt-sept membres, dont vingt-un devaient être pris sur une liste de soixante-trois candidats présentés par la docile assemblée. Les six autres étaient abandonnés au choix du président, qui pouvait en outre remplacer à son gré les