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CAPODISTRIAS.

partit pour Londres, où l’on suppose qu’il employa son séjour à des essais de négociations en faveur des Îles Ioniennes. Si ces essais furent tentés, ils restèrent sans résultats, et le gouvernement protectoral ne se relâcha en rien de sa rigueur. Le comte traversa Copenhague, et arriva enfin en octobre 1819 à Varsovie, où l’empereur était venu présider à l’ouverture de la diète de Pologne. Tel est le rapide itinéraire de ce voyage, qui excita la curiosité de l’Europe. Chaque parti l’attribua à l’intérêt que la Russie prenait à ses affaires ; car la Russie était le pouvoir que chacun était tenté d’invoquer. Pour ceux-ci, le comte était un allié secret du carbonarisme ; pour les autres, un soutien né des opinions absolutistes. Deux mois après son départ de Corfou, une insurrection éclata dans l’île de Sainte-Maure. Elle fut promptement réprimée ; mais le gouvernement anglais réclama avec aigreur contre les intrigues du cabinet russe. Après beaucoup de bruit, les récriminations cessèrent, et tout parut oublié. Les cabinets, d’ailleurs, avaient de si justes sujets de rester unis ! Les novateurs se remuaient en tous lieux : l’Espagne venait de se soulever, Naples se donnait tumultueusement une constitution. Les libéraux prétendaient compter M. Capodistrias parmi leurs défenseurs. En effet, il était beaucoup question de l’affaiblissement de son crédit. Une nouvelle phase allait s’ouvrir dans l’existence multiple du comte.

Le congrès de Troppau, transféré depuis à Laybach, commença ses travaux, et la révolution de Naples fut écrasée malgré l’opposition du comte, qui se déclara ouvertement le défenseur des idées constitutionnelles. À peine cette difficulté est-elle résolue tant bien que mal, que le Piémont s’insurge. Autres efforts de ce côté, autres protestations d’intérêt de M. Capodistrias. On se dit qu’il est disgracié ou près de l’être ; on le plaint, on l’admire, et cependant, grace à son heureuse coopération, les affaires de l’hétairie avaient marché à grands pas.

Très nombreux dans l’Épire, les hétairistes étaient parvenus à obtenir d’Ali-Pacha la création d’un corps de troupes disciplinées à l’européenne, qui, formé d’hétairistes du quatrième degré ou de la dernière classe, devait être commandé par un homme dévoué à la cause de la liberté et servir de noyau à l’insurrection hellénique. Contre toute probabilité, le temps manqua pour l’accomplissement de ce projet. Mahmoud, en attaquant Ali-Pacha, se chargea de hâter l’explosion de la révolte. En 1820, il fit marcher ses troupes contre un vassal, qui, trompé par tout le monde, égaré par de perfides conseils, trahi par les chefs de ses bandes, fut réduit à s’enfermer avec ses trésors dans la forteresse de Janina. Le bras qui maintenait la Grèce sous le pouvoir du sultan était donc brisé. La guerre civile occupait toutes les forces des Ottomans ; les exactions d’Ali ne devaient plus alimenter les caisses du sérail ; l’occasion était meilleure qu’on n’eût jamais dû l’attendre. Des traîtres, en vendant une partie des secrets, précipitèrent encore un soulèvement que l’on savait être prématuré. Les principaux hétairistes se réunirent, et l’élection d’un chef fut la dernière mesure qu’ils discutèrent. La délibération fut longue, comme on peut le penser. Position influente, réputation d’honneur et de