ordres du général Barclay de Tolly, il fut appuyé auprès de ce nouveau chef par les vives recommandations de M. Tchitchagoff, qui rendit justice au mérite du jeune diplomate. Dès-lors il prit part aux rudes campagnes de 1812 et 1813, rédigeant les proclamations, écrivant toute la correspondance, et transmettant les nouvelles à Vienne et à Constantinople. Lutzen, Bautzen, Leipsig, tonnèrent à ses oreilles, et lorsqu’il arriva à Francfort, où se trouvait déjà l’empereur Alexandre, il avait mérité de ce souverain une récompense qui ne se laissa pas attendre long-temps. Présenté par le général Barclay comme un homme dont les talens devaient inspirer toute confiance, il fut envoyé en Suisse en qualité d’agent secret.
Son associé dans cette mission fut M. le chevalier de Lebzeltern, député par l’Autriche. Tous deux devaient étudier l’esprit public des cantons, le diriger s’il en était besoin, le rendre favorable aux alliés, puis requérir simplement de la diète une stricte neutralité. Négociation fort épineuse : de nouveaux états, nés sous le pouvoir français, devaient naturellement redouter un ordre de choses ennemi peut-être de leur jeune isonomie ; Berne ne cachait pas son désir de reprendre Lausanne et le pays de Vaud ; les partis catholiques, protestans, démocratiques ou dévoués aux oligarques, s’agitaient dans les cantons. M. Capodistrias conjure toutes les difficultés, et attire à grand’peine la confiance des divers gouvernemens locaux. Habitué aux agitations fébriles d’un petit état pressé par des intérêts plus puissans que les siens, il sait dominer à propos, et sans en avoir l’air, les discussions du pouvoir central ; enfin il vient d’obtenir cette neutralité, seul but de sa mission, seule demande qu’il dût présenter en l’appuyant de la promesse solennelle de respecter le territoire, lorsque son collègue reçoit une dépêche : les rois alliés requièrent le passage de leurs troupes à travers les pays de la confédération. C’était un de ces coups de tonnerre qui viennent de temps à autre donner un démenti foudroyant à la véracité des hommes d’état. Le chevalier de Lebzeltern insistait sur la nécessité de remplir ses instructions nouvelles ; le comte pensait, si ce n’est avec douleur, du moins avec embarras, à la foi jurée et si tôt violée. Sans ordre de sa cour, il comprit cependant que ne point se rallier à son collègue et le laisser agir isolément, serait faire soupçonner un manque d’harmonie fâcheux entre les puissances ; il accepta donc la solidarité du fait et signa la note de l’agent autrichien. Aussitôt le corps d’armée du général prince Schwartzenberg passa le Rhin au pont de Bâle, tandis que M. Capodistrias se rendait auprès de l’empereur pour lui exposer sa conduite et les motifs qui l’avaient dirigée. Alexandre le félicita de son heureuse hardiesse, et, pour lui donner une preuve irrécusable de sa satisfaction, il le renvoya en Suisse, non plus comme agent secret, mais avec le titre d’ambassadeur. Le chef de chancellerie de l’armée du Danube avait fait en peu de temps un chemin rapide.
En effet, Alexandre avait pris un goût décidé pour le comte. Cet esprit d’une nature si particulière, que l’histoire n’a pas su le définir encore, s’attachera d’autant plus à M. Capodistrias, que le nouveau favori sut adopter à propos le ton mystique que Mme de Krüdner commençait à introduire dans le