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dance de leur politique, ont dû se résigner à voir leur politique tomber dans la dépendance des évènemens. Dans un intervalle de moins d’un siècle, l’Angleterre a planté son pavillon sur la citadelle de Ghizni et sur les murs de Rangoun, et toutes les contrées intermédiaires ont été rangées sous sa domination immédiate, ou reconnaissent sa suprématie. Voilà les résultats acquis, les faits accomplis, et l’activité infatigable de la race britannique prépare à l’histoire de nouveaux et immenses matériaux dans l’extrême Orient. Cette race ambitieuse et prudente à la fois, qui a pu commander l’estime ou exciter l’admiration du monde sans mériter les sympathies de l’humanité, saura-t-elle consolider son œuvre en Asie, ou devra-t-elle remettre en d’autres mains le flambeau de la civilisation nouvelle qui luit sur ces vastes contrées ? Voilà la question. Il ne nous appartient pas d’y répondre ; mais nous avons rempli, selon nos forces, la mission qui nous était imposée de recueillir en quelques pages les données principales de ce grand problème.

Ainsi donc, en résumant les faits principaux qui pendant l’année 1840 ont marqué les progrès de la domination ou de l’influence anglaise dans l’extrême Orient, nous trouvons : l’Afghanistan soumis, Dost-Mohammed, le jeune khan de Kélat et les principaux chefs barekzaïs et beloutchis prisonniers, morts ou dispersés ; le Pandjâb passé sous la dépendance politique immédiate du gouvernement suprême ; le Napâl, à la veille d’être réuni au territoire de la compagnie ; l’empire birman maintenu dans l’inaction ; l’empire chinois lui-même, humilié par les armes anglaises, forcé de traiter d’égal à égal avec la reine de la Grande-Bretagne et de rouvrir ses ports au commerce de l’Inde.

Quant aux puissances de troisième ordre que l’Angleterre décore du titre d’alliées, les renseignemens précis que nous avons donnés, et des déclarations aussi positives que celles que nous avons reproduites à l’égard du Pandjâb, ne sauraient laisser aucun doute sur la nature réelle des relations du gouvernement anglais avec ces états auxquels on donne encore pour la forme le nom d’indépendans. Il ne saurait y avoir non plus la moindre incertitude sur l’opinion que se font les Anglais du degré de résistance que les princes indigènes pourraient opposer à leurs volontés. On voit qu’ils se croient trop forts et trop redoutés pour appréhender en aucun cas une résistance sérieuse, et il faut avouer que, dans l’état actuel de l’Inde, ils ont raison. Mais ils auraient grand tort d’oublier que les dominations durables se fondent bien plus sur la confiance que sur la crainte, et