Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 26.djvu/226

Cette page a été validée par deux contributeurs.
222
REVUE DES DEUX MONDES.

instructions de lord Merito, contraignit Randjît à abandonner le dessein qu’il avait formé de s’approprier les petites principautés sikhes à l’est du Sutlegde, toutes les vues de Randjît se dirigèrent vers l’extension de ses possessions du côté opposé. Là encore, les Anglais intervinrent pour protéger le Sindh, état mahométan, que sa position sur le cours inférieur de l’Indus rendait une acquisition des plus tentantes pour l’ambition du chef sikh ; il se résigna à cet échec, et ce qui prouve le mieux la haute intelligence et le tact politique de Randjît, c’est que, tout fier qu’il était de la force effective de son armée, et de la supériorité évidente qu’elle lui donnait sur les autres souverains indigènes, il a eu la conscience de sa faiblesse relative à l’égard de ses redoutables amis de Calcutta, et a toujours fini par se soumettre aux exigences de leur politique. Mais il est à présumer que son fils et son petit-fils (ce dernier exerçait de fait l’autorité souveraine sous le nom de son père, et annonçait la prétention d’étendre la puissance sikhe bien au-delà de ses limites actuelles) n’auraient pas été aussi prudents, et qu’ils se seraient laissés entraîner à la folle tentative d’essayer leurs forces contre les Anglais. En ce cas, le résultat inévitable de la collision eût été l’extension de l’empire anglo-indien jusqu’à sa limite naturelle, l’Indus, et Shâh-Shoudjâ, profitant de la chute du royaume sikh, aurait repris, par la main de l’Angleterre, cette belle province de Peshawar, que Randjît avait enlevée aux Afghans. Les revenus ainsi que le commerce de l’Inde anglaise se seraient accrus considérablement par cette accession du riche territoire du Pandjâb. Peut-être les évènemens inattendus qui viennent de se passer à Lahore amèneront-ils immédiatement et l’intervention directe des Anglais et le remaniement au profit de Shâh-Shoudjâ, de ces deux monarchies dont l’Inde anglaise veut faire ses barrières au nord et à l’occident.

Le Pandjâb est depuis trois ans, au reste, sous la dépendance réelle de l’Inde anglaise ; et nous ne serions pas étonné que les Anglais montrassent peu d’empressement à se saisir de l’administration directe des affaires dans ce pays. Ils préfèrent, en général, familiariser par degrés, les populations avec leur intervention, à titre d’alliés ; ils arrivent ensuite à exercer les droits de suzeraineté, et à les faire reconnaître, et enfin, ils succèdent presque naturellement et

    maintenir dans cette ligne politique. Quand le chef de Bhurtpour le fit presser de faire cause commune avec lui contre les Anglais en 1826, le général Ventura dissuada Randjît-Singh de prêter l’oreille à ces propositions, qui indubitablement causeraient sa ruine. Sur son refus d’entrer dans cette alliance, on lui envoya de Bhurtpour un habillement de femme.